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Cette médecine marche pour moi – Brèves d’Utopia #6

Cet article est le script sourcé de la vidéo ci-dessous :

Vous connaissez certainement une personne dans votre entourage qui vous aura parlé d’un type de soin non conventionnel qui aurait eu des résultats incroyables sur elle, ou sur un de ses proches…

Un ami qui aura “tout essayé” pour arrêter de fumer avant de tenter l’acupuncture sans vraiment y croire… Un oncle qui se voit passer de médecins en médecins, tous incapables de déterminer d’où vient son mal et qui trouve enfin la solution grâce à l’apposition des mains chargées de “fluide” par le rebouteux du quartier… Une cousine, dont le jeune enfant ne parvient pas à faire ses nuits, et qui après avoir testé pédiatre, pédopsychiatre, collier d’ambre, et attrape-rêve sans succès, règle d’un seul coup son problème avec une séance d’ostéopathie…

En réalité, personne, ni patient, ni praticien, n’est capable de réellement évaluer l’efficacité de ses traitements…

Ce à quoi on se voit souvent répondre : “Mais pourtant, ça marche pour moi”, ou bien “Ben écoute, j’ai tout essayé, rien n’a marché, sauf ça !”, ou encore “Mais le praticien, il le voit bien lui, si ses patients reviennent, c’est qu’ils sont content !”

Et ça semble bien vrai… Et c’est pourtant là qu’on trouve un premier biais :

Le biais du survivant. L’échantillon sur lequel se base le praticien est biaisé : en effet, les patients insatisfaits ou morts ne reviennent pas. Donc, un praticien sera conforté par la fidélité de certains de ses patients, mais oubliera les autres.

Mais du coup, on peut se dire que si certaines personnes reviennent et que le praticien ne fait pas faillite, c’est bien que ses résultats sont satisfaisants ? Voilà un deuxième biais: 

Le biais de corrélation illusoire. Après une séance de soin, le mal peut disparaître et s’atténuer pour diverses raisons, dont les plus évidentes sont l’effet placebo, et le hasard. En effet, il arrive souvent que des douleurs, une fatigue ou un mal psychosomatique disparaissent seul, sans raison apparente, ou évolue vers le mieux après un pic. Et ce, même après les avoir traîné pendant des mois ou des années. Nous allons donc associer notre mieux-être à la pratique spécifique que nous venons d’essayer.

Ensuite, un autre biais entrera en jeu. Le biais de confirmation, qui viendra à chaque nouvelles séances satisfaire nos attentes. Nous attendons un mieux-être car notre cerveau aura été préparé à l’idée qu’une séance doit être suivie d’un soulagement. L’effet placebo sera alors optimisé, et le biais de confirmation, qui est un biais cognitif très puissant, se chargera d’éliminer les souvenirs des nos séances les moins soulageantes.

À ce moment, on pourrait penser que “Quand même, pour que la disparition d’une douleur qu’on subit depuis un bon moment arrive JUSTE au moment où on se fait soigner, c’est un sacré hasard ! C’est peu crédible !”

Et pourtant, c’est là qu’on tombe dans un nouveau biais !

La négligence de la taille de l’échantillon. Il s’agit d’un biais cognitif lié aux lois des statistiques qui à tendance à nous rendre négligent en ce qui concerne la taille de l’échantillon. Pour être plus clair, dans le cas d’une guérison inattendue, la négligence est d’oublier le nombre de personnes qui vont consulter des médecins ou thérapeutes chaque jour. Si c’était seulement 10 personnes, votre guérison “par hasard” seraient effectivement statistiquement surprenante, mais il s’agit de dizaines, voire des centaines de milliers !

Parmi ces centaines de milliers de patients, on s’attend logiquement à ce qu’un bon nombre d’entre eux voient un soulagement se produire à peu près au moment de la séance de soin, par pure coïncidence! Et le fait que ça arrive sur vous est du hasard total. Ajoutons que la négligence de la taille de l’échantillon agit aussi sur votre propre échantillon d’essais thérapeutiques.

En général, si nous essayons de nouvelles pratiques, c’est parce que nous avons d’abord essayé d’autres choses. Sans succès. Et il faut bien que la douleur régresse à un moment où à un autre ! Le fait qu’elle régresse quelques heures ou  quelques jours après une séance de chiropraxie, ou après une séances de pierres aux ondes quantiques, ou encore après la boisson détox d’une youtubeuse lifestyle, ça ne change pas grand chose : la douleur passera toujours à la suite d’une séance de quelque chose, puisqu’on enchaîne les essais pour s’en débarrasser !
Associé à la puissance d’un effet placebo optimisé, ce biais est très puissant pour vous convaincre de l’efficacité d’une pratique thérapeutique !

Attention, notez bien que si je prend des exemples de soins non conventionnels, ces biais sont tout aussi valables avec la médecine classique ! La grande différence de cette dernière, c’est qu’elle met systématiquement sa pratique à l’épreuve de la science. Nous sommes absolument incapables de juger nous-même de la validité d’une pratique, nous avons donc besoin de la méthode scientifique pour déterminer ce qui marche ou non. La méthode scientifique à d’ailleurs été élaborée pour cela : contrôler les différents biais possibles dans notre perception de la réalité.

N’oubliez pas de suivre le Projet Utopia, et de consulter le script de l’épisode sur notre blog pour accéder aux sources, et aux liens pour aller plus loin.


Aller plus loin :

Régression à la moyenne : https://www.youtube.com/watch?v=8ExzpvLKVuQ et https://miastor.wordpress.com/2016/12/31/les-biais-en-medecine-la-regression-a-la-moyenne/

Ces biais cognitifs que votre médecin devrait connaître : https://associationslibres.wordpress.com/2016/07/11/ces-biais-cognitifs-que-votre-medecin-devrait-connaitre/

Pour une médecine qui s’appuie sur la science: http://blogs.univ-poitiers.fr/n-yeganefar/2013/09/19/pour-une-medecine-qui-sappuie-sur-la-science

Peut-on s’extraire du Biais de confirmation ?

https://cognition.ens.fr/fr/news/peut-sextraire-du-biais-de-confirmation-lors-de-la-prise-de-decision-769/

La négligence du taux de base (du taux d’échantillon), par Neurone Mutin
https://neuronemutin.wordpress.com/2018/01/23/la-negligence-du-taux-de-base/

Plus compliqué :

Les biais dans les études épidémiologiques
https://www.em-consulte.com/article/12100/biais-et-facteurs-de-confusion-en-epidemiologie-de

Le biais cognitif de cadrage en médecine générale (Thèse)
https://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=40&ved=2ahUKEwiq76qH24HnAhVyAWMBHZ6tBc04HhAWMAl6BAgHEAI&url=http%3A%2F%2Fbibnum.univ-lyon1.fr%2Fnuxeo%2Fnxfile%2Fdefault%2Fb390f104-f0b0-43ec-81fc-3e3245fc3048%2Fblobholder%3A0%2FTHm_2018_BARRATIER_Sylvain.pdf&usg=AOvVaw1U6PDxk_zmItmCJguoMO0I

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1 commentaire

  1. Beaulé Valentin a dit :

    Partage public sur FB car il FAUT partager de tel condensés de bons retours à la réalité. 🙂

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