Biais Coaching Société

L’arnaque par 7 : comment les arnaqueurs se sont fait arnaqués

Pourquoi voit-on souvent sur les sites de développement personnel des prix finissant par 7 ?

C’est par exemple expliqué dans cette vidéo (en anglais) :

Alors pourquoi le 7 ?

L’utilisation systématique du 7 suggère plusieurs choses rattachées à la psychologie.
Comment les « coach » utilisent la psychologie contre vous ? Et pourquoi le chiffre 7 serait-il si magique ?

La magie du 7

En 1956, le psychologue cognitiviste George Miller limite la capacité cognitive humaine à mémoriser et appréhender 7 informations (+ ou – 2). Au delà, cela devient trop complexe. Son papier est aujourd’hui cité près de 40 000 fois.
https://psycnet.apa.org/record/1957-02914-001

Mais, comme toutes les belles histoires, la vérité est plus nuancée, puisque cette capacité de « 7 » est très discutée, car depuis les années 2000 des expériences plus précises ou des considérations théoriques enrichissent la question.

Mais les bullshiteurs ne s’embarrassent pas de ces nuances. Chez eux, la « magie du 7 » reste.

Revenons donc à Miller. Pour faire court, il développe en outre l’hypothèse que cette limite aurait pour conséquence de rendre ce chiffre 7 « cognitivement pertinent ».

Par ex, puisque nous pouvons retenir facilement 7 items, il est plausible que cela explique pourquoi nous retrouvons le chiffre 7 dans bon nombre de listes célèbres : les 7 merveilles, les 7 péchés capitaux, les 7 nains, les 7 membres de la Pléiade… Etc

Bien évidemment quand on sait qu’aujourd’hui cette limite cognitive à 7 items n’est plus vraiment considérée comme vraie, ça fait sourire. (Néanmoins, lorsqu’il parle de l’existence d’une limite cognitive, ça reste solide et ça a permis un approfondissement de la question).

Mais l’histoire du 7 ne s’arrête pas là. En 2015 par ex, le UK Numbers Festival a organisé un sondage, dont voici les résultats :

Le chiffre 7 a été choisi dans 12,6% des cas, ce qui est le double du 2ème chiffre ayant fait le meilleur score (6,8%)

On peut voir que le chiffre 7 est cité comme « chiffre préféré » ou « fétiche ». Et ce n’est pas un cas isolé :

Le chiffre 7 est nettement devant les autres, dépassant les 40% des choix effectué par le public interrogé.

Régulièrement, des travaux montrent la même chose dans l’ensemble des pays occidentaux, et ce indépendamment des sexes et des ethnies d’origine.

Doit-on supposer que Miller avait raison ?

Évidemment, non. Il est fort probable que ce soit au contraire l’omniprésence du 7 dans nos cultures qui lui conférerait un caractère « magique » à nos yeux, comme expliqué sur la page relatant l’expérience du UK Numbers Festival : https://www.ncl.ac.uk/press/articles/archive/2016/03/luckiestnumber/

Mais alors, la question reste entière : pourquoi cette omniprésence du 7 ?

Plusieurs possibilités :

Il est possible qu’à l’origine ce soit les croyances issues de l’observation des astres qui aient généré le caractère « magique » du 7 : les 7 jours de la semaine se baseraient en effet sur les phases de la lune. Et qu’ayant acquis un caractère mystique lié aux astres, ce chiffre ai été plus souvent choisi, et donc est devenu plus présent dans notre environnement, entretenant ainsi ce côté magique.

Mais il y a aussi peut-être une raison plus « probabiliste ». Dans les travaux de génération de chiffre au hasard, on voit que les humains ont tendance à se représenter le hasard d’une manière relativement faussée par rapport à la réalité. Le 7 serait plus souvent choisi que d’autres chiffres de part sa position parmi les 9 premiers chiffres : les chiffres pairs nous apparaissent comme moins « hasardeux »… Le 5 trop au milieu, le 1 et le 9 trop extrême…


Ainsi le 7, et le 3, nous paraîtraient encore plus dû au hasard que les autres. Et, comme pour le 7, beaucoup de cultures ont également donné au chiffre 3 un caractère symbolique. La Trinité, les 3 gorgones, et -bah tiens- la tripartition chez Rudolf Steiner (mais Steiner utilise aussi beaucoup le 7 !), par exemple.

Tout ce gros détour pour expliquer pourquoi nous serions psychologiquement attiré par le 7.

En résumé on peut donc probablement évacuer la limitation cognitive (« Loi de Miller »), mais il y a en revanche une influence culturelle ET peut-être une dimension cognitive liée à notre perception du hasard.

Le 7 chez les Coach de développement personnel

Un pass prestige pour une journée de coaching avec 1497€ barré, remplacé par 997€.

À partir de là, je suppose qu’un lien logique s’est opéré dans la tête de quelques « coach » américains avec ce qu’on sait de l’effet d’ancrage. Ce lien n’a pas été établi dans la littérature à ma connaissance mais c’est vrai qu’il paraît assez intuitif. Cela expliquerait pourquoi les « coach » utilisent le 7 en fin de prix. Je développe :

Dire que 7 nous semble plus dû au hasard, ça veut dire qu’il nous apparaît comme le chiffre le moins probable à sortir spontanément. Mais l’essence de notre rapport à ce chiffre dépendra aussi du contexte. Par exemple, dans un cadre spirituel, ça sera la symbolique, c’est son omniprésence culturelle qui va nous attirer. Dans le cadre du mentalisme, nous allons chercher à piéger le mentaliste en choisissant le chiffre qui nous paraît le moins probable (le 7 sortira donc le plus souvent). Et dans le cadre d’un prix, fourni par un humain, donc a fortiori pas par le hasard, on aurait tendance à penser qu’il y a une raison intrinsèque à l’objet de vente pour qu’il nous présente un 7 (raison due à son coût de fabrication par ex). En quelque sorte, c’est comme si la présence du chiffre 7 dans un prix rendrait celui-ci plus précis.

Effet d’ancrage

Il faut savoir qu’en marketing on utilise fréquemment un biais cognitifs nommé « effet d’ancrage ». Il s’agit « d’ancrer » le cerveau sur un prix pour influencer la décision d’achat. Le premier prix perçu agit comme un élément de repère pour notre esprit, quand nous n’en avions pas à l’avance.

Par ex, c’est pour ça qu’un vendeur va vous demander votre budget et va bien souvent vous proposer un produit plus cher que votre budget. Vous aurez ainsi plus de mal à lorgner vers les petits prix.

Il s’avère que des travaux montrent que la précision du chiffre proposé renforce le pouvoir d’ancrage des premières offres ! On pourrait donc penser effectivement que le 7 pourrait ancrer plus facilement nos cerveaux, et que par conséquent, utiliser ce chiffre en fin de prix permettrait de vendre plus facilement.

Sauf qu’il semblerait que ce ne soit pas le cas !

En effet, toutes les études portant sur la question montrent effectivement un meilleur effet des chiffres impairs sur les ventes, mais le chiffre venant en premier reste le 9, et en seconde position le 5… Le 7 est même le chiffre impair qui fait le plus mauvais score (si on exclus le 0) lorsqu’on demande aux gens quelle « fin de prix » ils préfèreraient avoir…

Pour la fin de prix, les gens préfèrent le 9 (35,2%), puis le 5 (30%), puis le 0 (20%). Le 7 est à 1,69%.

Mais alors pourquoi les « coach » focalisent tant sur le 7 ?

3 prix pour des offres de coaching : 147€ au lieu de 197€ / 397€ au lieu de 597€ et 997€ au lieu de 1497€.

Eh bien, je vais vous donner mon avis. Mais ça ne sera qu’une déduction de ma part : je peux me tromper !

Je pense que les coach ne connaissent pas la littérature scientifique sur le sujet (et en ont peut-être rien à faire!) et reproduisent ce qu’ils ont pu lire de ci de là, ou simplement ce qu’ils observent chez les autres coach.

En effet, il s’avère que la première trace que je retrouve de cette histoire de 7 en fin de prix conseillé pour vendre plus est dans… UN LIVRE DE DÉVELOPPEMENT PERSONNEL !

Il s’agit de Magic words that bring you rich, de Ted Nicholas. Un best seller publié originellement en 1991.

La couverture du livre Magic words that bring you riches

Dans ce livre, Ted Nicholas propose de nous révéler 17 mots qui à eux seuls nous permettront de devenir riche. Selon lui, sa méthode nous dispense de certains besoins généralement considéré comme importants (voire nécessaires) pour s’enrichir :

  • Argent – J’ai commencé avec seulement 90 $.
  • Bureau ou équipement – Un simple bloc-notes ligné et un stylo à la maison sont tout ce dont j’avais pour commencer.
  • Un produit – Mon livre vous montrera exactement comment trouver un flux constant de produits forts à peu ou pas de frais.
  • Situation géographique – Mes stratégies fonctionnent partout dans le monde, y compris dans un petit village.
  • Chance – Mon système n’implique aucun jeu ni aucun risque.

En gros, 17 mots suffisent.

Bref, du bon gros bullshit qui se rapproche des techniques de développement personnel basé sur la loi de l’attraction, par ex : Une « solution » facile, à porté de tous, pour vendre au plus grand nombre.

Dans ce livre, Ted Nicholas nous dit donc à propos du 7 en fin de prix :

Voici une astuce vraiment puissante qui va augmenter vos profits. Vous avez peut-être remarqué que le prix de mes livres et cassettes se termine par sept. Il y a une bonne raison à cela. Récemment, lors d’un séminaire auquel j’ai participé, mon co-conférencier, Gil Good, qui a été responsable des promotions au WallStreet Journal pendant de nombreuses années, a expliqué que les offres d’abonnement se terminant par un sept l’emportaient sur toutes les autres. Lors de mon dernier séminaire, un participant, un spécialiste de la Bible, a fait remarquer que le chiffre sept était souvent utilisé dans la Bible. Vous vous souvenez de l’expression « 70 X 7 » ? Le sept est peut-être un chiffre qui est vraiment béni ! L’offre d’abonnement à des magazines la plus efficace, faite il y a de nombreuses années, était celle de Life Magazine pour 7,77 $. Testez le prix de cette façon. Si votre prix actuel est de 19,95 $, essayez 19,97 $. Si vous vendez maintenant à 69 $, essayez 67 $ ou 77 $ ; ou si votre prix est de 99 $, essayez 97 $, etc.

Notez l’appel à la religion, qui sera un moyen supplémentaire de convaincre les croyants, mais également les non croyants, en ancrant son idée dans une proximité culturelle… Alors qu’en réalité, il n’y a strictement aucun rapport entre un chiffre en fin de prix et la religion !

Pour rappel : le 9 en fin de prix renforce plus les ventes que le 7. Il est donc contreproductif d’obéir à sa logique de passer ses tarifs de 99 $ à 97 $, c’est littéralement aller à l’encontre des données empiriques.

Morale de l’histoire

Les coach de développement personnel se sont fait bullshités par un coach de développement personnel. Et ça c’est beau.

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