Agriculture Santé Société

[critique] Le crime est presque parfait, de Fabrice Nicolino

L’accusation n’est pas parfaite du tout,

critique du livre de Fabrice Nicolino : Le crime est presque parfait.

Cet article nous a été proposé par un agent de l’ANSES qui n’a pas participé à l’évaluation des SDHI mais désire rester anonyme. Toutefois, cet agent tient à préciser que les opinions qu’il exprime dans cette critique sont les siennes propres et ne correspondent pas nécessairement à l’opinion officielle de l’Anses.
Rien de ce qui suit n’émane de l’ANSES et ne saurait engager l’agence !

Pour le plus de transparence possible, nous vous communiquons la teneur de l’implication du Projet Utopia dans ce texte :
– Relecture, et validation des faits et arguments qu’il nous était possible d’évaluer selon nos connaissances.
– Correction orthographique (nous en avons certainement loupé !)
– Assouplissement de certains passages un peu « durs » ou manquant de nuance.
– Mise en forme en 2 partie.
– Mise en forme, mise en gras, ajout de liens et publication blog.

Cette partie est la version détaillée de la critique. Nous vous conseillons tout de même de lire la première partie, bien plus courte ne serait-ce que pour comprendre le fonctionnement de l’ANSES, qui -si vous ne l’avez pas lu- vous est probablement très abstrait au moment où vous lisez ces lignes.

Chapitre d’introduction :
« En guise de bienvenue » : 

  1. Dès les premières pages, le lecteur n’aura pas manqué de constater l’utilisation d’un champ lexical résolument manichéen : d’un côté voici ce livre « essentiel » qui est « une œuvre de vérité », qui « se veut le chemin de la vie, tortueux, incertain mais magnifique », et de l’autre côté « les puissants », les « monstres industriels », « l’industrie criminelle », « la désinformation », les « responsables », les « coupables », ou encore le « système » qu’il se fait un devoir de dénoncer. L’utilisation de ces champs lexicaux caricaturaux ne s’arrête pas à l’introduction et se poursuit sur l’ensemble du livre.
  2. « SDHI, pesticides que personne ne connaît, mais qui sont épandus partout en France ».
    Par « personne », l’auteur entend probablement « la majorité des Français ». Mais le contraire eut été étonnant car il s’agit d’un outil technique spécifique à la profession d’agriculteur. Quant à dire qu’ils sont épandus « partout » en France, c’est bien entendu une hyperbole qui se retrouve réduite en page 46 à « l’essentiel des surfaces agricole ». 

    De son côté, Gérard Lasfargues, directeur général délégué du pôle sciences pour l’expertise de l’Anses, indique dans l’entretien qu’il a accordé au journal Le Point (https://www.lepoint.fr/environnement/pesticides-l-anses-repond-aux-elucubrations-de-fabrice-nicolino-13-09-2019-2335462_1927.php) : « La base nationale des ventes des produits phytosanitaires est publique et consultable sur data.gouv.fr. Elle indique que les agriculteurs français utilisent entre 500 et 700 tonnes de fongicides SDHI par an (sur un total de 68 000 tonnes de pesticides). C’est un petit tonnage. Concernant l’exposition de la population française, elle est faible : selon les données de l’enquête Alimentation totale, on n’a trouvé des traces de Boscalid (le SDHI le plus utilisé) que dans 3,1 % des échantillons pour une exposition à plus de cent fois inférieure aux doses journalières admissibles. » (https://www.anses.fr/fr/content/les-%C3%A9tudes-de-lalimentation-totale-eat)
  3. « le souvenir rayonnant de l’été 1789 », idéalisé par M. Nicolino, a eu pour suite – ne l’oublions pas – la Terreur. Une révolte, pour qu’elle commence avec raison et s’achève avec succès, doit se fonder sur des arguments solides, des réflexions pertinentes et une bonne anticipation de ce qui doit suivre. Le succès ne s’arrête pas au seul renversement du système en place, à supposer déjà que ce système soit effectivement corrompu, mais nécessite l’instauration rapide d’un système de remplacement fiable et reconnu. Son appel à la révolte vient-il d’un désir d’héroïsme ou relève-t-il de l’inconscience ?
  4. Selon l’auteur, les pesticides sont les premiers responsables de la disparition des hérissons, des abeilles, des papillons et des oiseaux. Or, la communauté scientifique n’est pas unanime sur la question. Je n’exclus donc pas que l’usage des pesticides soit l’une des causes du déclin de la biodiversité mais ce n’est pas certainement pas le seul facteur responsable, comme beaucoup de médias le suggèrent. Notons que pour le directeur général de WWF France (qui n’est pas particulièrement un pro-pesticides), la première cause de ce déclin est l’artificialisation des sols : https://www.europe1.fr/politique/la-biodiversite-est-en-train-de-disparaitre-en-france-3655658

Chapitre 1 : 

Dans ce chapitre, l’auteur choisit comme « mise en bouche » (terme qu’il « dit tout en n’osant pas le dire » …) de nous raconter l’histoire de Michel, marchand de pesticides, et conclut par ces mots : « ce document est exceptionnel, et ne dit sans doute pas tout, de loin. Mais, tel qu’il est, je crois qu’il met dans la bonne disposition d’esprit pour enfin rencontrer l’objet de ce livre : les SDHI. En serez-vous d’accord ? ». 

L’objet de ce livre, selon les dires de Fabrice Nicolino, sont « les SHDI ». Plus exactement d’après la 4ème de couverture, il faut comprendre : les SDHI et l’incompétence, voire la complicité des agences de protection sanitaire française et de l’Etat français avec le lobby des pesticides.

L’histoire racontée aurait été une meilleure entrée en matière pour un livre traitant du capitalisme libéral puisque les aventures de ce vendeur de pesticides dénoncent avant tout le cynisme (inhérent à ce régime économique et social) de nombreux commerciaux et se déroule en partie à l’étranger. Autrement dit, cette critique n’est pas spécifique aux pesticides et concerne tous les secteurs de la vente (changez le mot « pesticides » par « automobiles », cela fonctionne tout autant), et elle n’est pas spécifique à la France. Il est cependant vrai que le secteur des pesticides n’est pas innocent, loin de là.

En revanche, la période décrite dans cette histoire précède l’actuelle réglementation des pesticides ((CE) n° 1107/2009 de 2009) et même la directive qu’elle abroge et remplace (91/414/CE de 1991) ! 

À partir des années 90, des réglementations et agences ont été créées pour contrôler la mise sur le marché des pesticides afin d’éviter les catastrophes et abus décrits. Deux tiers des substances citées dans ce chapitre ont été interdites depuis en Europe (vérifiable sur la base de données européenne : https://ec.europa.eu/food/plant/pesticides/eu-pesticides-database/public/?event=activesubstance.selection&language=EN). En ce qui concerne les substances restantes, pour au moins trois quart d’entre elles, les produits pesticides qui les contiennent ont été soit interdits, soit autorisés avec des conditions d’utilisations spécifiques et restrictives en France, sur la base des évaluations de risque. Cela prouve que le système fonctionne malgré l’activité des lobbies et que Fabrice Nicolino s’y attaque d’une façon très partiale.

Chapitre 2 :

  1. « Le zyklon B de la Shoah était d’abord un pesticide ».
    Si l’accusation n’est pas directement faite, il y a ici la claire intention de faire un rapprochement avec les Nazis pour disqualifier ses opposants (qui ne se limitent pas forcément aux lobbyistes pro-pesticides et peuvent compter toute personne en désaccord avec la forme ou le fond scientifique de son argumentaire). On parle dans ce cas de Reductio ad hitlerum, ou déshonneur par association : https://cortecs.org/materiel/sophisme-reductio-ad-hitlerum/ .
  2. S’ensuit un amalgame entre les poisons utilisés au cours de l’histoire pour tuer des humains et les pesticides utilisés aujourd’hui en agriculture. La démonstration de l’auteur se résume grossièrement ainsi : « L’industrie chimique X a inventé telle molécule (qui est un poison) qui a été utilisée pour décimer des humains dans telle guerre. Cette même industrie chimique X a aussi inventé des molécules utilisées dans les produits pesticides. Donc les pesticides sont des poisons tueurs d’hommes ». L’auteur écrit par exemple : « en 1936, le chimiste Gerhard Schrader invente un nouvel insecticide qui deviendra un gaz mortel : le tabun ». La phrase est habilement tournée mais évitons toute interprétation hâtive : le tabun a été découvert « par hasard » par le chimiste Gerhard Schrader lors de ses recherches sur les composés organophosphorés pour la création de nouveaux insecticides (ces composés ont la propriété de tuer les insectes en s’attaquant à leur système nerveux). Ses recherches mirent en évidence que le tabun était également toxique pour les mammifères et donc l’homme. En raison de cette toxicité, l’utilisation du tabun en tant qu’insecticide a été abandonnée. Dans un contexte de guerre (avec toute son inhumanité inhérente), cette molécule a malheureusement été récupérée et utilisée en tant qu’arme chimique. 
    On peut aussi noter qu’avec un tel raisonnement, on devrait interdire l’eau : le monoxyde de dihydrogène a été utilisé dans des protocoles de tortures à Guantanamo ; donc le monoxyde de dihydrogène est une terrible molécule chimique qui devrait être interdite, or le monoxyde de dihydrogène est l’eau (H2O).

    Soyons précis, les molécules utilisées dans les produits pesticides actuellement autorisés et les molécules utilisées dans les armes chimiques citées par l’auteur ne sont pas les mêmes. Et même si certaines appartiennent à la même famille, cela n’implique pas que leur dangerosité soit identique.

    Un petit aparté ici peut être nécessaire pour que l’on ne me fasse pas dire ce que je ne dis pas. Je pointe ici du doigt le processus de « démonstration » de l’auteur par des rapprochements fort questionnables. Je ne cherche pas en revanche à défendre les industries chimiques qui ne sont certainement pas de ceux qui n’ont rien à se reprocher et dont la véhémence (surtout lorsqu’il s’agit de défendre leur nom, leur image et leur chiffre d’affaire) est bien connue. Certains intérêts passent malheureusement avant d’autres et leurs procédés ne sont pas toujours ni légitimes, ni courtois.
  3. « Santé publique France […] ne semble nullement soucieux de combattre des produits qu’il désigne pourtant comme des poisons ».
    Tout dépend de la façon dont les produits sont utilisés (mode d’application, dose, dilution, etc.). Le problème qui revient sans cesse dans ce livre – et dont nous avons déjà parlé plus haut, mais qu’il est bon de rappeler – est que Fabrice Nicolino ne fait pas la différence entre danger et risque. Par exemple, marcher sur une corniche située à 300 m au-dessus du sol, sans garde-corps, est dangereux. Le danger, c’est de tomber et de se tuer. Mais si on le fait en étant correctement harnaché, le risque est moindre (le risque 0 n’existe pas car le harnais peut se casser). Le risque étant la combinaison d’un danger et d’une exposition à ce danger, si le danger est grand mais que l’exposition est faible, le risque est faible également. Pour les pesticides le raisonnement est le même. Ce sont des produits généralement dangereux mais dont l’interdiction d’utilisation peut être levée si l’exposition est réduite et qu’on peut les utiliser « sans risque » (une fois encore, le risque 0 n’existe pas mais on peut s’en approcher).
  4. « cela dessine un cadre ».
    Sur la base de l’explication précédente, il s’agit plutôt d’un amalgame.
  5. Ensuite, l’auteur s’attèle à prouver que la commission européenne et l’EFSA sont aux ordres du lobby agrochimique mais sans avancer d’argument sérieux. En effet, il décrit les actions menées par les industriels pour défendre leurs produits mais ne développe pas les réponses des institutions européennes. 
  6. Au sujet d’un communiqué de presse de l’EFSA qui n’a pas plu à Syngenta, l’auteur écrit : « l’EFSA préféra se coucher au pied de ses maîtres véritables, en fournissant à Syngenta la copie des textes internes permettant à l’industrie de mieux comprendre qui avait osé lui jouer pareil tour. »
    Il omet de préciser que ce communiqué a bien été publié et que Syngenta a été épinglé par la Corporate Europe Observatory (CEO) (https://corporateeurope.org/en/agribusiness/2013/04/pesticides-against-pollinators).
    Voici le lien vers le communiqué en question : https://www.efsa.europa.eu/en/press/news/130116
    Le 28 février 2018, l’EFSA a même ajouté ceci : « La plupart des utilisations des pesticides néonicotinoïdes posent un risque pour les abeilles sauvages et pour les abeilles domestiques, selon les évaluations publiées aujourd’hui par l’EFSA ». En fait, l’EFSA a fait preuve de transparence en fournissant une copie des textes permettant à l’industrie de connaître et comprendre les éléments qui ont permis d’élaborer le communiqué. Le devoir de transparence de l’agence s’applique pour tout le monde et donc a fortiori également pour les industriels (qui – rappelons-le – payent des taxes pour l’évaluation de leur dossiers). Peut-on appeler cela « se coucher» ? Et les « maîtres véritables » sont-ils vraiment « véritables » et vraiment « maîtres » ?

    Toute l’histoire et les actes de pression des industriels sur l’EFSA et la commission européenne sont détaillés (en anglais) sur le site de la CEO : https://corporateeurope.org/en/agribusiness/2013/04/pesticides-against-pollinators. On y apprend par ailleurs, que tout a commencé lorsque le gouvernement français a annoncé en Juin 2012 son intention de retirer le Thiametoxam, un néonicotinoïde particulièrement controversé à l’époque. Alors, à la question rhétorique de l’auteur « l’Anses serait donc d’accord avec les néonics ? », posée non sans sarcasme, nous avons de quoi répondre.
  7. En ce qui concerne l’affaire des Monsanto Papers, l’EFSA a produit un communiqué à ce sujet, fort peu relayé par les médias de masse qui aiment les scandales mais s’évertuent rarement à rétablir la vérité après coup : https://www.efsa.europa.eu/sites/default/files/topic/20170608_glyphosate_statement.pdf

    Traduction :
    – Les deux articles de synthèse en question sont une analyse d’études réglementaires ayant déjà été incluses dans le dossier du demandeur. Le poids de ces deux articles de synthèse dans l’évaluation scientifique globale du glyphosate était donc très limité, car les experts de l’UE avaient accès aux conclusions des études d’orientation originales et aux données brutes sous-jacentes et s’en servaient principalement pour produire leurs propres conclusions. Les documents de synthèse ont simplement servi à résumer ou à corroborer la position de l’industrie sur le glyphosate qui avait été présentée, conformément au cadre réglementaire, dans le dossier du demandeur et lors de la série de commentaires au cours de l’évaluation.
    – Bien que ces deux revues aient pu être écrites par Monsanto, leur provenance était clairement indiquée dans les déclarations d’intérêt et les remerciements contenus dans les journaux eux-mêmes. Par exemple, le document de Kier et Kirkland indique que les auteurs ont été payés par le groupe de travail sur le glyphosate pour mener à bien l’examen et que les auteurs de l’étude Williams et al. reconnaissent que Monsanto a facilité leur travail en leur fournissant des études originales non publiées. Cela signifie que les experts des États membres et de l’EFSA ne se faisaient aucune illusion quant aux liens entre les auteurs de l’étude et les entreprises qui avaient financé ou facilité leur travail lors de l’évaluation des risques effectuée par les experts.
    – Les articles de synthèse en question ne représentent que deux des environ 700 références scientifiques dans le domaine de la toxicologie pour les mammifères considérées par l’EFSA dans le cadre de l’évaluation du glyphosate. 

  8. « Les agences officielles […] intègrent à leurs expertises les études produites par l’industrie des pesticides. Tandis que le CIRC, pour des raisons évidentes, les refuse ».
    Attention à la confusion ! Ces « études publiées » sur lesquelles « le CIRC fonde ses avis » sont également intégrées au processus d’évaluation avant mise sur le marché par les « agences officielles ». Les « agences officielles » disposent par ailleurs d’études supplémentaires, commanditées par les industriels. Elles ont donc accès à un jeu de données plus important. Ces études sont exclues par le CIRC ; non pas parce qu’elles sont commanditées par les industriels, mais parce que le règlement du CIRC ne lui permet de ne prendre en considération que les études publiées dans la littérature scientifique (et soumises aux critiques de la communauté de chercheurs). 
    Il est légitime de s’interroger sur le fait que les études requises par la réglementation européenne pour évaluer les risques liés à l’utilisation d’un produit soient financées par les industriels. Il est également légitime de craindre que ces études soient biaisées. En réalité, cela est très peu probable car les protocoles d’études sont normalisés (selon les « bonnes pratiques de laboratoire », ce sont les mêmes pour tous les produits) et toute déviation peut rendre l’étude inutilisable (source : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32013R0284&from=EN). Chaque étude est minutieusement vérifiée par les agences européennes dans le cadre du processus d’évaluation (https://www.anses.fr/fr/content/evaluation-avant-mise-sur-le-march%C3%A9-des-pr%C3%A9parations-commerciales-phytopharmaceutiques) et les données brutes sont reprises pour vérifier les conclusions de chaque rapport. Notons au passage que les études publiées dans les revues scientifiques ne sont pas nécessairement réalisées selon les normes exigées par la réglementation européenne en matière d’homologation.
    De plus, les laboratoires réalisant ces études doivent être accrédités et contrôlés. Un écart grave et le laboratoire perd sa réputation. Ensuite, n’importe quel chercheur peut essayer de reproduire les résultats (consultables publiquement sur le site de l’EFSA ; les rapports complets ne le sont pas car confidentiels). Tout écart invraisemblable constaté entraînerait un scandale non souhaitable pour un industriel. Ce fut par exemple le cas avec le glyphosate lorsque le CIRC l’a classé « cancérogène probable ». Des écarts entre les études publiées dans les revues scientifiques et celles soumises par les industriels pour l’évaluation de leurs produits ont alors été mises en évidence et il s’en est suivi le scandale qu’on connaît. Dans ce cas, les écarts s’expliquent, comme nous le verrons dans le point suivant.
  9. Parlons enfin de la divergence de classement de la substance glyphosate entre le CIRC (qui la classe « cancérogène probable » – et non pas « cancérogène », raccourci souvent fait) et d’autres agences comme l’ECHA ou l’EFSA qui estiment que « les preuves scientifiques disponibles ne remplissent pas les critères permettant de considérer le glyphosate comme une substance cancérogène » (ce qui n’est pas non plus équivalent à : « la substance est complètement inoffensive »). Quant à l’Anses, suite à une saisine, elle conclut que « le niveau de preuve de cancérogénicité chez l’animal et chez l’homme peut être considéré comme relativement limité et ne permet pas de proposer un classement 1B [cancérogénicité supposé pour l’être humain, sur la base de données animales] dans le cadre de l’application des critères du règlement (CE) n° 1272/2008 » et que « au vu du niveau de preuve limité, la classification en catégorie 2 [cancérogénicité suspecté pour l’homme] peut se discuter sans que l’Agence puisse se prononcer sur ce point en l’absence d’une analyse détaillée de l’ensemble des études » (source : https://www.anses.fr/fr/content/avis-de-l%E2%80%99anses-sur-le-caract%C3%A8re-canc%C3%A9rog%C3%A8ne-pour-l%E2%80%99homme-du-glyphosate). Les médias ont beaucoup véhiculé une image d’opposition/confrontation entre les conclusions du CIRC et celles de l’EFSA/ECHA/Anses. Pourtant, lorsqu’on prend un peu de recul, ces agences disent bien plus de choses en commun qu’en contradiction, à savoir que le glyphosate n’est pas sans danger, qu’il y a des éléments qui peuvent conduire à le suspecter d’être cancérogène, mais que les données manquent aujourd’hui pour confirmer avec certitude une cancérogénicité. Bref, la différence ne tient pas à grand-chose, et les raisons suivantes peuvent l’expliquer :

    – La différence des études à leur disposition et sur lesquelles elles se sont basées (voir le point précédent). Par ailleurs, de nouvelles études ont pu être prises en compte par certaines agences et non par d’autres selon leur disponibilité au moment où l’évaluation a été faite ;

    – Le classement du CIRC repose sur des critères de danger mais ne s’intéresse pas aux doses à partir desquelles le phénomène soupçonné pourrait survenir (nous retrouvons ici la différence entre danger et risque déjà abordée précédemment). A titre de comparaison pour se faire une idée, la viande rouge est également classée « cancérogène probable » par le CIRC (on pourrait s’étonner d’ailleurs que l’information n’ait pas fait autant de bruit que pour le glyphosate alors que nous sommes probablement plus exposés à la consommation de viande rouge qu’au glyphosate…) ;

    – Le CIRC s’est essentiellement intéressé aux dangers des produits intégrant le glyphosate, et non le glyphosate seul (le glyphosate pourrait être sans effet isolément, mais révéler sa dangerosité en interaction avec d’autres substances, à moins que la génotoxicité suspectée ne soit imputable qu’à ces substances tierces) tandis que les autres agences ont essentiellement considéré le glyphosate isolément, à l’exclusion des données médicales (requis 5.9 du règlement 283/2013) qui concernent l’exposition à des produits formulés (Surveillance  médicale du personnel de l’installation de fabrication et études sur la surveillance, observations directes issues de sources bibliographiques, études épidémiologiques, etc.). En Europe, l’interaction du glyphosate avec d’autres substances est étudiée dans le cadre de l’évaluation des produits phytosanitaires qui commence une fois l’évaluation de la substance finie, et lorsque celle-ci est autorisée. D’ailleurs, l’Anses, ayant identifié lors de sa saisine sur le glyphosate un point de préoccupation concernant l’association de la substance avec le co-formulant POE-Tallowamine, a rapidement procédé au retrait des préparations concernées…

Chapitre 3 :

  1. Dans ce chapitre, l’auteur moque les termes « produits phytopharmaceutiques » et « phytosanitaires », qui sont selon lui des euphémismes. Les réponses à ce point ont déjà été détaillées au point 9/ du commentaire général ci-dessus que je vous invite à consulter si ce n’est pas déjà fait.
  2. « les insecticides tuent idéalement tous les vertébrés et leurs larves ».
    Je pense qu’il voulait écrire plutôt « invertébrés ». Mais même ainsi, ce cas « idéal » est rare et tous les insecticides n’ont pas la même efficacité sur toutes les espèces.
  3. « Depuis leur [les néonicotinoïdes] interdiction au 1er septembre 2018, d’autres produits aussi savoureux ont pris leur place ».
    L’auteur s’attendait peut-être à ce que des solutions miracles émergent en à peine un an ? A ce que les agriculteurs soient formés à de nouvelles pratiques en un si court laps de temps ? Les solutions ont été mal anticipées au moment de l’interdiction et la nécessité d’alternatives a laissé la porte ouverte à ces « autres produits aussi savoureux ».
  4. « Le fameux Roundup assemble le glyphosate – son principe actif – et des adjuvants qui lui permettent d’être vendu sous ce nom. Qui peuvent rendre le produit beaucoup plus toxique, ce que les tests réglementaires sont impuissants à signaler ».
    Parlons un peu du processus d’homologation des produits phytosanitaires que Fabrice Nicolino condamne en toute ignorance. Un dossier d’homologation doit être déposé pour chaque substance, puis pour chaque produit contenant la substance (en association avec des co-formulants et potentiellement d’autres substances). Des tests réglementaires sont donc requis aussi bien pour la substance seule (dans un premier temps) que pour chaque produit formulé contentant cette substance approuvée (dans un second temps). Pour celles et ceux que cela intéresse, le processus est détaillé ici : https://www.anses.fr/fr/content/evaluation-avant-mise-sur-le-march%C3%A9-des-pr%C3%A9parations-commerciales-phytopharmaceutiques. Les études requises pour les substances sont listées dans le règlement EU 283/2013 et celles requises pour les produits dans le règlement EU 284/2013 (disponibles en Français) : https://ec.europa.eu/food/plant/pesticides/approval_active_substances/eu_rules_en.
  5. « La chimie de synthèse […] ne dit à peu près rien de la collision inévitable entre molécules diverses, ce qu’on appelle couramment l’effet cocktail ».
    Il y a là effectivement un point sur lequel l’évaluation nécessite d’être améliorée. Car s’il est possible d’évaluer la toxicité d’un mélange au sein d’un même produit (voir point précédent), il est compliqué d’évaluer l’effet d’un mélange de molécules qui se retrouveraient dans notre organisme. Cette problématique a bien été identifiée par l’EFSA et fait l’objet de nombreux travaux en cours : https://www.efsa.europa.eu/fr/topics/topic/chemical-mixtures. Les études réalisées jusqu’à présent n’ont pour le moment rien montré qui nécessiterait des mesures immédiates : http://www.inra.fr/Chercheurs-etudiants/Alimentation-et-nutrition/Tous-les-dossiers/Effets-cocktails-des-substances-toxiques/Effet-cocktail-des-pesticides.
    De plus, quand bien même la toxicité de certaines molécules serait multipliée par 100 par combinaison avec d’autres molécules, n’oublions pas que les traces présentes dans les aliments sont très inférieures aux seuils de sécurité, eux-mêmes assortis de facteurs de sécurité.

    Il y a donc fort à parier que les seuils déjà en place sont suffisamment sécuritaires vis-à-vis d’éventuels « effets cocktail ». En l’état, s’il faut être prudent sur la question des effets cocktail, il est nécessaire de rappeler que de tels effets peuvent aussi être induits par des molécules naturelles, et qu’on ne peut donc pas tout interdire par défaut sur la base du principe de précaution. Il est donc nécessaire de prouver l’existence d’un risque pour y répondre de manière proportionnée, conformément au principe n°3 du principe de précaution.
  6. « L’invention des pesticides de synthèse […] ruine à jamais l’idée de mesure et de contrôle, en laissant à une entreprise amorale les clés de notre royaume commun ». Je vous invite à vous référer à ce qui a été écrit plus haut sur le processus d’homologation de ces produits qui a justement été mis en place pour assurer la « mesure » et le « contrôle ».
  7. « des molécules dont on sait si peu » L’auteur a-t-il déjà ouvert un journal de l’EFSA consacré à l’une de ces molécules ? Exemple : https://www.efsa.europa.eu/fr/efsajournal/pub/4421 La quantité de données demandées au fabricant est conséquente et permet de caractériser les molécules en détails.
  8. « Si le cuivre est 1 alors le système des pesticides est 1 000 000. »
    Cela est curieux… D’où Fabrice Nicolino sort-il ces chiffres ? En tonnage, le cuivre représente environ 2% des ventes totales de pesticides. À titre de comparaison, les SDHI représentent environ 1% des ventes totales (source : https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/donnees-de-vente-de-pesticides-par-departement/).
    Il me semble que Fabrice Nicolino tente ici de justifier l’exclusion des pesticides d’origine naturelle de l’appel des Coquelicots (ce qui est bel et bien contradictoire avec ses idées) mais c’est assez maladroit. Le cuivre, fort utilisé dans en agriculture biologique, n’est pas moins dangereux que les autres substances (notons qu’il a été ré-autorisé pour une durée de 7 ans au lieu de 10 fin 2018, avec une réduction de la dose autorisée à cause de sa toxicité et de sa persistance dans les sols.
    Certains le défendent sous prétexte de son origine naturelle mais n’oublions pas que l’arsenic a beau être un élément naturel, ce n’en est pas moins un poison. D’autres pointent le fait que les tests réglementaires sont inappropriés dans le cas du cuivre. Cela peut se discuter car le cuivre est un élément métallique (contrairement à la large majorité des substances phytosanitaires qui sont des molécules organiques), qui ne se dégrade pas (car déjà sous forme élémentaire) et certaines études réglementaires ne peuvent tout simplement pas suivre les protocoles normalisés (plus adaptés aux molécules organiques). Ainsi, suivant la logique du « principe de précaution » de Fabrice Nicolino, le cuivre n’aurait pas d’excuse pour échapper à l’appel au moratoire.

Chapitre 4 :

  1. À propos de certains produits : « Au moment où j’écris ces lignes, j’ignore pour quelle raison ils ont été retirés du marché. L’Anses assure que le fabricant aurait négligé de demander une prolongation des autorisations. Sans rien expliquer d’autre ».
    Les fabricants n’ont simplement pas demandé à prolonger/renouveler les autorisations. S’il se demande pourquoi les fabricants n’ont pas demandé à prolonger/renouveler les autorisations, libre à lui d’aller investiguer ; mais cela sort du champ d’action de l’agence. Peut-être que les produits n’étaient pas rentables. Peut-être que les fabricants ne disposaient pas de moyens suffisant pour réaliser les nouvelles études requises. Peut-être ont-ils préféré laisser tomber un de leurs produits au profit d’autres.
  2. « Si les SDHI sont désormais omniprésents, cela fait bien peu de temps ».
    Qu’entend l’auteur par « peu de temps » ? À la page précédente, il précise que le Boscalid est commercialisé en France depuis 2006 (soit 13 ans). D’après le site de la commission européenne, la substance n’est autorisée que depuis 2008. Mais cela fait quand même 11 ans.
  3. « J’ai souligné qu’en France le système d’homologation des pesticides était moralement corrompu dans les années 60 […]. Mais qu’en était-il au moment bien plus décisif de la seconde vague des SDHI, à partir de 2013 ? Eh bien, je peux fournir à la réflexion l’examen d’une liste qui date de 2004. Je n’ai pas mieux, mais, compte tenu de l’extrême stabilité du système, je gage qu’elle en dit bien assez long ».
    L’auteur parle d’une « extrême stabilité » du système. Pourtant, plusieurs évènements ont eu lieu depuis 2004 : l’Anses a été fondée (en 2010) et la réglementation européenne en matière d’autorisation de mise sur le marché de produits phytosanitaires a été revue (l’actuelle repose sur le règlement EU 1107/2009). Il en découle que le développement qui suit devient obsolète. 

    Sa fameuse liste de 44 noms qui « siègent à la commission des toxiques » (on n’en saura pas plus sur leur rôle dans l’évaluation) semble correspondre à une liste d’experts. Or, en ce qui concerne les experts actuellement consultés par l’agence (donc pas ceux de 2004), il existe des limites mises en place pour gérer leurs conflits d’intérêt, comme expliqué au point 8 des Principes fondamentaux et points clés de l’expertise collective à l’Anses (https://www.anses.fr/fr/content/principes-fondamentaux-et-points-cl%C3%A9s-de-l%E2%80%99expertise-collective-%C3%A0-l%E2%80%99anses) : « L’Anses trace l’analyse des liens d’intérêt déclarés réalisée en amont de chaque réunion de CES, en fonction de l’ordre du jour et identifie tout risque de conflit d’intérêt avec, pour conséquence, la non-participation du ou des experts concernés aux travaux, débats et délibérations au point en cause de l’ordre du jour de la réunion.  Un expert en situation de risques de conflit d’intérêts ne peut être auditionné. De plus, au début de chaque réunion de collectifs d’experts, le président doit demander aux experts s’il y a des liens d’intérêt particuliers à analyser au vu de l’ordre du jour ».
  4. « Le Yaris est pulvérisé sur les vignes, et il serait curieux qu’aucune d’elles ne se trouve jamais près d’un cours d’eau ».
    Si l’utilisation d’un produit présente un risque pour les organismes aquatiques, son utilisation peut faire l’objet de restrictions par le biais de mesures de gestion, comme une distance de 10 mètres par rapport au cours d’eau le plus proche par exemple (arrêté du 4 mai 2017). Quant au bon respect de ces mesures de gestion, c’est du côté des agriculteurs qu’il faut aller voir.
  5. « Le boscalid […] est le pesticide le plus souvent retrouvé dans les aliments au plan européen ».
    Contrairement à ce que rapporte l’auteur, le rapport de l’EFSA indique que ce sont l’isoprothiolane, l’ion bromide et l’imazalil (Rapport EFSA The 2017 European Union report on pesticide residues in food, page 14). De plus, le boscalid est mesuré dans 7.6% des échantillons testés et aucun ne dépasse la limite maximale de résidus définie au niveau européen. Donc « les résidus de boscalid » ne sont pas « partout ».
  6. Il serait « l’un des plus présents dans l’air des villes françaises ».
    Le boscalid est en effet l’un des plus présents. Les questions à se poser sont : A quelle concentration ? Pour quels impacts ? Le suivi ATMO est en cours.
  7. « Dans nos eaux de surface, il est le 8ème le plus fréquent ».
    Ici, encore une fois, on regrette ne se pas savoir quelle est la source de l’auteur. Pour ma part, je n’ai pas trouvé de classement à l’échelle nationale. Uniquement des classements à l’échelle régionale. Cependant, le rapport de l’Anses indique ceci : « Pour la métropole, le boscalid est recherché sur 52% à 62% des points de mesures du réseau de surveillance, soit 11 000 à 16 000 analyses par an. Les taux de quantification (le nombre de fois où la substance a été quantifiée dans les échantillons prélevés) varient de 11% à 18% sans dépassement de la PNEC [Predicted no effect concentration (Concentration sans effet prévisible)]. Un facteur de plus de 600 est observé entre la PNEC aquatique et les moyennes de contamination les plus élevées observées. » En clair, la substance a été quantifiée dans 11 à 18% des échantillons prélevés (c’est effectivement non négligeable) mais sans jamais dépasser la limite de concentration à partir de laquelle des effets délétères sont observés sur les organismes aquatiques (cette limite inclut un facteur de sécurité, variable en fonction de la substance) et les concentrations mesurées sont toutes 600 fois inférieures à cette limite. Pas de quoi s’alarmer, donc.
  8. « On le [boscalid] retrouve dans 63 % des 311 échantillons [de] cheveux de femmes enceintes ».
    Le rapport cité par Fabrice Nicolino indique que la valeur médiane mesurée dans ces échantillons est de 0.55 pg/mg de cheveux. Pour se faire une idée, cela représente environ l’équivalent de 28 gouttes d’eau dans une piscine olympique. De plus, le rapport de l’Anses indique que « le métabolisme de ces substances est important et leur élimination est rapide ». On pourra se demander si les mesures des substances dans les échantillons de cheveux sont représentatives de l’exposition réelle.
  9. « Nous dit l’Anses elle-même : « Les concentrations de pesticides dans les cheveux ont été mises en relation avec le risque de cryptorchidie et les paramètres anthropomorphiques au sein de la population étudiée » ».
    La citation est tronquée, voici la suite : « Le  boscalid a été considéré dans ces analyses mais aucune association significative n’a été mise en évidence avec cette substance. » Ou comment faire dire l’opposé de ce que dit le rapport en sortant une phrase de son contexte.
    « Ce n’est pas digne, non, ce n’est pas digne », Monsieur Nicolino.

Chapitre 5 :

  1. « Pour une fois, la science court à la rencontre de la société ».
    Sous-entendu « en temps normal, la science dans son ensemble nuit à la société » ? La science n’est pas « pour » ou « contre » la société. Elle est amorale (attention, je n’ai pas écrit « immorale » !) et ne va pas dans le sens d’une « bonté » subjective, mais elle tend idéalement vers une « exactitude » objective. 
  2. « La classique opposition frontale entre le juge et les parties est évidente. L’Anses est les deux. Elle donne des autorisations de mise sur le marché (AMM) […] et prétend nous protéger contre ces mêmes molécules. Mission impossible ».
    La conclusion de l’auteur est inexacte car elle repose sur un raisonnement erroné. Concernant cette affirmation, une réponse a été apportée au point 5 du commentaire principal. Fabrice Nicolino méconnait visiblement le fonctionnement de l’Anses (dont les missions – rappelons-le – ne se limitent pas qu’aux pesticides), pourtant bien détaillé sur le site internet de l’agence. L’Anses n’est pas une créature monocéphale et l’entité qui évalue les dossiers fournis par les firmes et qui produit un avis dessus (Direction de l’Evaluation des Produits Réglementés) est différente de celle qui accorde ou refuse les autorisations (Direction des AMM). L’Anses est un organisme public indépendant, son modèle de gouvernance impose la déclaration par les experts de leurs éventuels liens d’intérêts avec les firmes et ces informations sont prises en compte afin de gérer tout conflit d’intérêt potentiel (voir chapitre 4, point 3 et chapitre 10, point 2). 
  3. « ces SDHI sont massivement utilisés, en cet automne 2017 –bien plus aujourd’hui ».
    Encore une fois, d’où provient cette information ? Les données de vente 2018, et à plus forte raison, celles de 2019 ne sont pas encore disponibles sur le site data.gouv.fr/fr/datasets/donnees-de-vente-de-pesticides-par-departement/. D’après les données du rapport de l’ANSES, les tonnages sont en baisse entre 2014 et 2017 (p.34). C’est tout ce que l’on peut dire.
  4. En p.60, il explique que Pierre Rustin a appelé l’Anses en octobre 2017 mais que l’Anses n’a pas réagi avant la publication de la tribune dans Libération. Or, p.61 il écrit que « Dans le même numéro de Libération, le directeur général de l’Anses en charge des questions scientifiques, Gérard Lasfargues, livre les premiers éléments de langage […] ». Si l’Anses n’a rien fait pendant ce laps de temps, comment expliquer qu’une réaction de l’agence arrive en même temps que la tribune ? A moins que l’alerte n’était déjà en cours de traitement.
    De plus, dans son entretien avec Le Point, Gérard Lasfargues confirme que : « Contrairement à ce qui est écrit dans le livre, nous n’avons pas découvert cette alerte en 2018, au moment de la publication de la tribune. Dès la fin 2017, nous avons échangé avec le généticien Pierre Rustin, qui étudiait alors les maladies rares issues d’un déficit génétique important et constant en SDH. »
  5. En p.62 vient un paragraphe assez étrange où Fabrice Nicolino s’imagine un lien entre la DGSE (Direction Générale de la Sécurité Extérieure) et les SDHI et nous compose un paragraphe digne des meilleures théories complotistes.
  6. A propos de l’une des lanceuses d’alerte : « Depuis 2008, elle travaille à l’INRA ».
    Preuve qu’à l’INRA il n’y a pas que des pourris, même selon les critères de Fabrice Nicolino. En effet, dans son glossaire des sigles, on peut notamment lire : « INRA : L’Institut nataional de la recherche agronomique, fondé en 1946, emploie près de 8 000 salariés, dont plus de 1 8000 chercheurs, pour un budget de 850 millions d’euros. Il s’est associé dès le début au lobby des pesticides, au point d’en faire rapidement partie. Il a joué un rôle majeur dans la diffusion en France des pesticides de synthèse. »
  7. A propos de la rencontre à l’Anses entre les lanceurs d’alerte et les experts de l’agence, voici ses mots : « ce sera un guet-apens où les rapières seront mal cachées derrière des visages anonymes ».
    Ces « visages » sont tellement « anonymes » qu’il jette en pâture au chapitre suivant, et de manière complètement irresponsable, une liste d’une dizaine de noms en page 73. Ajoutons qu’en page 77, il précise qu’un chercheur témoigne : « On a fait un tour de table pour se présenter. Eux aussi ». Irresponsabilité doublée de mauvaise foi lorsqu’il écrit en page 73 : « On me pardonnera l’anonymat des citations, car je ne veux embêter personne ». Bref, il protège l’anonymat de ses « alliés » mais dénonce à tout va les noms de ses « opposants ». Voilà une manière de faire qui n’est ni équitable, ni respectueuse.

Chapitre 6 :

  1. « L’Anses me traite comme un pestiféré. À toutes mes demandes, fort nombreuses, je ne reçois aucune réponse, ou bien des messages dilatoires dont je ne sais que trop bien la signification ».
    Rappelons quelques faits : en novembre 2017, paraissait dans Charlie Hebdo un article de Fabrice Nicolino intitulé « À mort cette foutue agence de protection ! ». Les mots sont violents et cette agence, c’est l’Anses. Qu’on me pardonne ce sarcasme, mais personnellement, je ne serais pas vraiment d’humeur à inviter chez moi quelqu’un qui appelle publiquement à ma mort, puis qui m’appelle pour me demander quand il pourrait passer chez moi pour qu’on « discute ». Par ailleurs, peut-être l’agence juge-t-elle peu pertinent, voire inutile, de « discuter » avec quelqu’un dont le manque de connaissance ne peut permettre un échange approfondi sur le sujet et dont les idées arrêtées ne peuvent que le rendre sourd aux propos et arguments de ses interlocuteurs ?
  2.  « Le fait extrêmement dérangeant – pour l’Anses – que ses tests de génotoxicité ne peuvent pas détecter de modification épigénétiques porteuses du pire ».
    Même s’ils ne mettent pas directement en évidence les effets épigénétiques (ce que reprochent les lanceurs d’alerte à ces tests), l’ensemble des études de toxicité permet tout de même d’observer les éventuels symptômes qui seraient dus à un quelconque mécanisme délétère, dont les mécanismes épigénétiques. Le rapport de l’Anses est assez clair là-dessus : « En outre, en sus des tests de génotoxicité et des études de cancérogénèse, l’évaluation des substances actives suppose a minima la réalisation d’études de toxicité subchronique et de toxicité pour la reproduction. Au cours de l’ensemble de ces études, réalisées chez plusieurs espèces, les paramètres (biochimiques, physiologiques, comportementaux, etc.) mesurés sont nombreux et constituent autant d’opportunités de détecter des effets précurseurs (survenant avant la cancérisation) d’une inhibition significative de l’activité SDH des animaux traités, cette enzyme étant présente chez toutes les espèces testées. »
  3. Selon un des lanceurs d’alerte : « Nous, dans notre domaine, nous essayons toujours de prouver qu’un médicament n’est en aucune manière nocif pour l’être humain. À l’Anses, on avait l’impression que c’était inversé ».
    Comme décrit déjà plus haut, le processus d’homologation des pesticides conduit à n’autoriser que les produits pour lesquels le risque est le plus faible possible. Les firmes fournissent en effet de nombreuses études pour prouver que l’utilisation de leur produit est sûre dans les conditions d’emploi indiquées. Le processus est donc bien le même. Et de même que dans le domaine des médicaments, une fois qu’un produit est autorisé sur la base d’une évaluation sérieuse, il faut des preuves tout aussi sérieuses pour le retirer de la vente. On en revient au 3ème principe du principe de précaution abordé dans la partie résumée : « Les mesures fondées sur le principe de précaution devraient être proportionnées au risque à limiter ou supprimer. »
  4. « L’un des responsables de l’Anses a même lâché cette énormité : « ça empêche la respiration, d’accord, mais prouvez-moi que c’est cancérogène. » Je crois que nous avons été plusieurs à pouffer de rire ».
    Évacuons d’entrée le malentendu : dans une boîte de pétri, les SDHI empêchent la respiration de cellules isolée, mais ça ne démontre pas que dans un organisme complet ces substances sont capables de provoquer un cancer. Les données dont disposent les chercheurs proviennent d’études In vitro. « In vitro » signifie « dans un tube à essai/une boite de pétri », donc isolées du reste du corps, seules face aux molécules SDHI. Quelles sont les conditions des tests ? En exagérant, on pourrait dire que si on plonge des cellules humaines dans de la caféine, elles meurent aussi. Faut-il pour autant interdire le café ? Il n’y avait donc pas de quoi rire car la remarque était pertinente.
    Si l’on se fie à ce que l’auteur écrit dans cette partie, ce passage montre l’ambiance dans laquelle s’est déroulée cette réunion et souligne un fait important : cette réunion a été très mal gérée. Au lieu d’une discussion collaborative, elle fut plutôt un dialogue de sourds entre, d’un côté, des « chercheurs » peu connaisseurs du processus d’évaluation des risques des pesticides (on ne peut pas le leur reprocher car ce n’est pas leur métier) qui se sont cantonnés à leurs connaissances sur le danger et aux risques supposés, et de l’autre côté, des « experts » cramponnés à leurs connaissances et données sur le risque qui n’ont peut-être pas pris la peine d’expliquer en détail le processus d’évaluation du risque des pesticides. Ajoutons à cela « l’orgueil scientifique » de chacun qui a pu être ressenti comme « moquerie » ou « affront » par les uns et les autres. Tout cela donne à Fabrice Nicolino l’occasion de s’amuser, à partir d’observations liées à des ressentis, à analyser la gestuelle (« moues dubitatives », remuements à priori « ostensibles » des pieds) des experts du GECU (Groupe d’Expertise Collective d’Urgence). Intéressant de voir un journaliste jouer au mentaliste. Les « pouffements de rire » à ce qui a été considéré comme « une énormité » trouvent en face la « quasi raillerie » et le « moulinage ». Les impressions de « regards fuyants » côtoient les sensations d’être « accusés d’allégations mensongères ». Le « ton péremptoire » qui souligne l’ « ignorance en matière de toxicologie et d’évaluation du risque » (Rappelons que dans une boîte de pétri, les SDHI empêchent la respiration de cellules isolées, mais cela ne démontre pas que dans un organisme complet ces substances sont capables de provoquer un cancer – l’avis de l’Anses explique bien que ce n’est pas le cas) et les accusations sur « l’opacité dans laquelle les autorisations de mise sur le marché sont délivrées » s’entrechoquent. Bref, on parle, mais on ne s’entend pas. Précisons que le devoir de traçabilité (entretien enregistré) provoque une grande tension, parfois à la limite de la paranoïa. Ce n’est pas étonnant vu à quel point le sujet était médiatisé et considérant la peur qu’un mot ou un geste de travers puisse porter un mauvais coup à sa réputation scientifique.
  5. Témoignage de l’un des chercheurs suite à la réunion avec l’Anses : « Les « experts » se retranchaient derrière la réglementation et, quand cela n’était pas suffisant, c’est l’Europe qui était évoquée pour s’abriter derrière des normes non contestables. ».
    Il se peut donc que les chercheurs aient eu l’impression d’être face à des bureaucrates plus que des scientifiques. Seulement, les « experts » de l’Anses, ou plus précisément les agents de l’Anses, que les chercheurs ont rencontrés sont tous issus de formations scientifiques, et possèdent un niveau d’études a minima égal à bac+5. Ils comprennent ce que disent les chercheurs mais raisonnent en termes d’évaluation des risques, qui repose en partie sur la réglementation européenne. D’où le sentiment de ce chercheur d’avoir reçu des arguments inadaptés.
  6. « L’Anses se disait, cette fois, toute disposée à financer des recherches complémentaires sur les SDHI et à en confier la réalisation à des membres du groupe des 9 [lanceurs d’alerte]. »
    L’Anses, contrairement à ce que prétend l’auteur, n’est pas insensible à l’alerte. Et même si son évaluation l’amène à conclure qu’une alerte n’est pas justifiée, cela ne signifie pas qu’elle s’affranchit de toute surveillance. L’Anses, en confiant ces recherches à des membres du groupe des lanceurs d’alerte, montre bien qu’elle estime ces chercheurs compétents dans leur domaine. Cela appuie le fait que le « mépris » qui a pu être ressenti lors de la réunion est absolument spécifique au désaccord sur l’aspect du risque.
  7. « [les chercheurs] travaillent plus volontiers pour l’industrie et ses profits que pour les citoyens que nous sommes ».
    La recherche coûte cher et l’Etat réduit ses budgets tandis que l’industrie a des moyens financiers importants et trouve son intérêt à encourager la recherche (être toujours à la pointe de l’innovation et des connaissances). Il faudrait pour inverser la donne accepter de payer plus d’impôts ou faire des dons à la recherche. 

Chapitre 7

  1. « Nul ne connaît, à part la haute hiérarchie de l’Anses, les raisons qui ont conduit à retenir 4 toxicologues pour examiner l’alerte sur les SDHI ».
    L’Anses a sans doute estimé que les toxicologues étaient les plus qualifiés pour examiner les risques. De la même manière qu’il est inopportun de demander à un spécialiste des plaquettes de frein de faire la révision de sa voiture, il est peu pertinent de demander à des spécialistes de la SDH d’évaluer l’effet de substances, même inhibitrices de la SDH, sur l’ensemble d’un organisme où d’autres mécanismes qu’ils ne maîtrisent probablement pas sont en jeu.
  2. « Jean-Ulrich Mullot […] n’est pas un grand scientifique » car « ses publications – la jauge essentielle du milieu – sont modestes ».
    Il y a ici une confusion entre « scientifique » et « chercheur ». Jean-Ulrich Mullot est un expert en toxicologie. Et ce n’est pas parce qu’il fait peu de recherche que cela l’empêche d’être un grand scientifique. Même remarque pour les 3 autres experts que M. Nicolino discrédite dans son ignorance et sa confusion.
    Petite remarque annexe, cette « jauge essentielle du milieu » (de la recherche, précisons-le) n’est pas sans quelques défauts : le monde de la recherche est actuellement gangréné par la course aux publications pour obtenir des financements, et les publications pertinentes et essentielles au progrès se noient parfois au milieu de nombreuses publications peu pertinentes mais « vendeuses ».
  3. L’une des expertes est en plus discréditée au motif qu’elle a travaillé sur des projets financés en partie par divers organismes et entreprises ayant un intérêt financier à promouvoir les SDHI. Il ajoute qu’elle a participé à une conférence sur les stimulateurs de défense des plantes.
    Cela est vrai… Et tout est dans sa déclaration publique d’intérêts. De plus, les financements des entreprises étaient versés à l’INRA ; l’experte ne touchait donc pas directement de chèque de la part des firmes (voir aussi point 5 du chapitre 14). Il y a donc bien conflit d’intérêt mais celui-ci est à relativiser. Un conflit d’intérêt est un indicateur à prendre en compte mais n’impose pas de remettre systématiquement en question la probité scientifique et professionnelle d’une personne.
  4. « je parierai que Mme Corio-Costet a joué un grand rôle dans l’affaire, sans preuve il est vrai » et « Aura-t-elle rédigé [l’avis de l’Anses] seule ? ».
    L’Anses, si elle le voulait, pourrait attaquer l’auteur en diffamation pour cette phrase tant elle est éloignée de ses principes d’expertise (https://www.anses.fr/fr/system/files/Anses-Ft-PrincipesExpertise.pdf) : « L’Anses définit les modalités de rédaction du produit de l’expertise collective et de validation et/ou adoption. » En outre, la norme NF X 50-110 cadre ce travail d’expertise.

Chapitre 8

  1. « Dieu sait – moi également ».
    Belle auto-association à une position divine – pardonnez-moi ce sarcasme, je préfère en rire qu’en pleurer.
  2. En p.96, Fabrice Nicolino sort des chiffres datant de 1984 et 2001 pour décrédibiliser les données fournies par les réseaux de surveillance. C’est-à-dire des données vieilles de 35 et 18 ans ! N’aurait-il rien trouvé à critiquer depuis ?
  3. Puis l’auteur commente le rapport de saisine de l’Anses, sans en comprendre grand-chose visiblement : « on croit comprendre », « ce français-là est une langue étrangère », « un rapport souvent trop technique pour moi ».
    On peine donc à comprendre pourquoi il n’a pas fait appel à un spécialiste pour l’aider à démêler ce rapport, comme l’aurait fait n’importe quel journaliste un tant soit peu sérieux. Il préfère ici interpréter, au risque de surinterpréter.
  4. Le rapport précise qu’il subsiste des incertitudes sur les risques induits par l’utilisation des SDHI et M. Nicolino embraye : « C’est un problème que l’on renvoie aux calendes, ou, plus sûrement, au temps où les poules auront des dents ».
    Cette affirmation est en contradiction avec la page 79 où il nous dit lui-même que l’Anses finance des travaux de recherche des lanceurs d’alerte sur ce sujet précis.

Chapitre 9

  1. Origine de l’alerte : « les SDHI inhibent aussi, in vitro, la SDH des humains ».
    Voir chapitre 6, point 4.
  2. « Si les SDHI ont joué un rôle dans [les cancers advenus chez les rats et souris] c’est qu’ils ne sont pas éliminés aussi vite par l’organisme que l’Anses le prétend ».
    Le rapport de l’Anses précise que les SDHI ne sont pas métabolisés de la même manière chez les souris et chez les humains. De plus, le fait qu’une substance est éliminée rapidement par l’organisme ne signifie pas nécessairement qu’elle ne fera pas de dégâts. L’éthanol (l’alcool) est par exemple éliminé rapidement mais il peut causer des cancers. Chaque substance doit être évaluée rigoureusement selon ses propriétés propres (absorption, métabolisation, élimination, etc.) et des raccourcis tels que ceux formulés par Fabrice Nicolino ne sont en aucun cas rigoureux.
  3. Sur le fait que les tests de génotoxicité requis ne permettent pas de déceler des problèmes épigénétiques : « Les tests ainsi réalisés ne tiennent aucun compte de ce que la science apporte désormais ».
    Voir remarque 2 du chapitre 6.
  4. Le groupe des neuf note : « La seule référence donnée à ce jour provient des dossiers fournis par les industriels. […] Nous n’avons pas accès aux données ni aux protocoles mis en œuvre ».
    Or, en page 84 il est précisé que « l’Anses lui (Pierre Rustin) a ouvert ses dossiers d’évaluation de la toxicité de ces produits ».
  5. Il cite (pour la 3ème fois) le rapport qui conclut que du boscalid a été retrouvé dans 63% des échantillons de cheveux de femmes enceintes analysés. Il l’utilise comme preuve qu’il n’est pas possible que l’organisme élimine le boscalid si facilement puisqu’on en retrouve dans les cheveux. C’est une bonne remarque. Mais le fait que la molécule se retrouve (à l’état de trace) dans les cheveux ne signifie pas pour autant qu’elle n’est pas éliminée rapidement de l’organisme. (Voir remarques 8 et 9 du chapitre 4)
  6. Fabrice Nicolino rappelle alors que des études in vitro montrent que des cellules de plusieurs espèces sont sensibles aux SDHI. Encore une fois, aucune source n’est citée. Et ça ne permet pas de prouver qu’il existe un risque aux doses retrouvées dans certains aliments (la dose maximale est estimée à 2,4% de la DJA, fixée à 0,04 mg/kg poids corporel/jour ; p.98 et 137 de ce document : https://efsa.onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.2903/j.efsa.2019.5743).
  7. A propos de la mortalité des vers de terre : « L’Anses s’en fout donc en totalité ».
    C’est incorrect car des études prouvant que l’utilisation des produits n’aura pas d’impact conséquent sur les populations de vers de terre (sur le court et long terme) sont requises dans les dossiers d’homologation. (voir remarque 4 du chapitre 3)
  8. A propos des « recherches fiables, en nombre toujours croissant, qui relient des produits chimiques, dont de nombreux pesticides à tant de maladies qui explosent. De cela, l’Anses n’a donc pas voulu entendre parler ».
    À défaut d’avoir les références de ces études, nous ne pouvons vérifier ce qu’elles disent exactement. Mais rappelons que les études de la littérature sont aussi évaluées dans le cadre des dossiers d’homologation, il est donc erroné de dire que l’Anses ne veut pas en entendre parler.
  9. « Si l’Anses en est bien l’organisatrice, et, au passage, celle à qui profite la dissimulation, faites-moi confiance, j’en suis le révélateur ».
    Dissimulation ?
    Rappelons quelques faits : rien que l’an passé, l’agence a recommandé d’interdire le dioxyde de titane dans les aliments, rendu un avis « assassin » sur les diodes à lumière bleue, mis en garde sur le port des téléphones portables trop près du corps, demandé l’interdiction des cabines de bronzage, retiré de la circulation des dizaines de produits phytosanitaires (dont dernièrement 76 produits à base d’époxiconazole),… et j’en passe.
    Enfin, en quoi l’Anses « profiterait »-elle d’une prétendue dissimulation de données ? Qu’aurait-elle à y gagner ? Fabrice Nicolino ne le précise jamais et pour cause : c’est absurde.
  10. « Il existe des études qui le démontrent »
    … et qu’il ne cite pas, c’est dommage.
  11. Il accuse ensuite plusieurs études d’être biaisées car signées par deux « toxicologues de Bayer ».
    Mais il n’explique à aucun moment si l’EFSA ou l’Anses ont utilisé ces études dans leurs évaluations. Quand bien même elles seraient biaisées, qu’importe si elles n’ont servi de base à aucune conclusion d’évaluation. Ces agences ne sont pas dupes et savent comment gérer ce genre de publications portant le cachet « Bayer ».

Chapitre 10

  1. De p.121 à p.126, Fabrice Nicolino s’applique à décrédibiliser l’Anses… en sortant des dossiers datant d’avant sa création.
    Il est question de l’ANMV (une direction aujourd’hui intégrée à l’Anses et qui n’a rien à voir avec celle qui évalue les pesticides) et de nombreuses agences aujourd’hui disparues. Certes, certaines de ces anciennes agences ont fusionné pour donner naissance à l’Anses, mais il conviendrait de ne pas oublier que les fonctionnements ont évolué et que les exigences en termes de transparence et d’indépendance se sont renforcées.
  2. Pour tenter de relier ces vieux dossiers au présent, il se contente de remarquer que « seuls 3 des 23 membres du comité d’experts spécialisés (CES) Nutrition humaine » ont une déclaration vierge de tout lien [d’intérêt] ».
    En s’offusquant de cela, il prouve qu’il ignore le fonctionnement de ces comités, et les limites mises en place pour justement gérer les conflits d’intérêt, comme expliqué au point 8 des Principes fondamentaux et points clés de l’expertise collective à l’Anses (déjà vu au chapitre 4, point 3) : « L’Anses trace l’analyse des liens d’intérêt déclarés réalisée en amont de chaque réunion de CES, en fonction de l’ordre du jour et identifie tout risque de conflit d’intérêt avec, pour conséquence, la non-participation du ou des experts concernés aux travaux, débats et délibérations au point en cause de l’ordre du jour de la réunion.  Un expert en situation de risques de conflit d’intérêts ne peut être auditionné. De plus, au début de chaque réunion de collectifs d’experts, le président doit demander aux experts s’il y a des liens d’intérêt particuliers à analyser au vu de l’ordre du jour ». Enfin, le CES Nutrition n’a rien à voir avec les pesticides. Faut-il en conclure que l’évaluation des pesticides est suffisamment bien faite pour que Fabrice Nicolino s’en trouve réduit à s’attaquer à un autre comité d’experts ?
  3. Concernant le refus de l’Anses de participer au financement des GISCOP (Groupement d’intérêt scientifique sur les cancers d’origine professionnelle), il peut effectivement soulever question. Il est possible qu’un financement n’ait pu être accordé car ce n’est pas le rôle de l’Anses. Mais je ne peux rien avancer sur la question. Fabrice Nicolino, lui, a son idée bien arrêtée : « Quelle est l’explication ? Je n’ose y penser. » Sous-entendu : l’Anses ne veut rien savoir des cas de cancer professionnels liés aux pesticides : « Volontairement ignoré ? » Je ne le pense pas. Sinon, pourquoi l’Anses disposerait-elle d’un « réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles » ? Un rapport est consultable ici : https://www.anses.fr/fr/system/files/RNV3P-Ra-Novembre2018.pdf Le GISCOP y est même cité.

    J’ajouterais qu’il est étrange que Fabrice Nicolino, si prompt à critiquer les “conflits d’intérêt” de l’Anses, voit d’un mauvais œil le fait que toutes les expertises ne dépendent pas de cette agence « soumise aux lobbies ». C’est assez contradictoire avec sa vision de l’agence. Il devrait au contraire être rassuré qu’il existe des groupes d’experts indépendants de l’Anses, et dont les travaux viennent nourrir ceux de l’agence.

Chapitre 11

  1. Une citation de source – une des rares mais assez saugrenue – de Fabrice Nicolino : « Selon une légende colportée par les ingénieurs »
  2. Dans le reste du chapitre, on retrouve des références « antédiluviennes », ce qui se passe en Inde, les méfaits de l’agriculture intensive, des redites déjà exposées précédemment, etc.
  3. « la seule voie réaliste : l’agroécologie pour tous. » C’est en cours mais ce n’est pas aussi facile que le pense l’auteur : https://agriculture.gouv.fr/alimagri-la-transition-ecologique. Les recherches sont donc en cours pour réduire drastiquement les besoins en pesticides mais c’est un travail long et coûteux.

    Par ailleurs, l’agroécologie ne permet pas de se passer complètement de pesticides. Du moins, pas sans sacrifier des pourcentages de rendement et sans augmenter la pénibilité du travail (désherbage en particulier). On pourra rétorquer qu’en limitant le gaspillage alimentaire, il serait possible de compenser les pertes de rendement. C’est vrai, mais cela nécessite de changer nos habitudes et de repenser le fonctionnement de nos sociétés. Ce ne sera donc pas plus facile que de changer le modèle agricole de façon durable et ces deux chantiers doivent être menés simultanément et en complément l’un de l’autre.

Chapitre 12

  1. « Je vais essayer de ne pas caricaturer ».
    Après tout ce qu’on a pu déjà lire, il est tentant de répondre « c’est bienheureux ».
  2. « Il existe pour certains produits des effets non linéaires, autrement appelés non monotones ». 
    Parlons tout d’abord de la DJA. La DJA (dose journalière admissible) a été définie par l’OMS comme la dose qui peut être ingérée tous les jours pendant toute la  vie, sans risque appréciable pour la santé du sujet exposé. Les DJA ont été établies à l’origine pour les additifs alimentaires et les résidus de pesticides dans les aliments, ce qui justifie le terme « admissible » (Bonvallot et Dor, 2002). (plus d’infos ici : https://www.anses.fr/fr/system/files/CHIM2011sa0355Ra.pdf et ici : https://www.anses.fr/fr/content/valeurs-toxicologiques-de-r%C3%A9f%C3%A9rence-vtr).
    Pour en revenir à la citation initiale, elle est correcte, et dans ces cas, la DJA n’a effectivement plus grand sens. « S’accrochant à la DJA comme à la bouée qu’elle est pour eux, les experts de la réglementation, ceux de l’Anses ou de l’Europe, freinent des quatre fers pour éviter cette remise en cause scientifique. » Ceci, en revanche, est inexact : l’EFSA a publié une note sur le sujet dès 2016 (https://www.efsa.europa.eu/fr/press/news/160503). Cette problématique concerne essentiellement certaines substances présentant un caractère perturbateur endocrinien (voir point suivant).
    Mise à jour de dernière minute : une étude publiée par le groupe de lanceurs d’alerte se base sur l’IC50 (concentration inhibitrice médiane) des SDHI. Elle confirme donc que les SDHI ne sont pas des substances à effet non-monotones, sinon leur analyse n’aurait aucun sens. La DJA reste donc pertinente dans le cas des SDHI.
  3. « Les tests réglementaires sur les pesticides nous protègent-ils contre les perturbateurs [endocriniens] ? C’est non ».
    C’est faux et l’auteur dit lui-même deux lignes plus loin qu’il existe un document-guide pour évaluer ces effets. Ce qui le dérange, c’est que selon lui « les dossiers d’homologation de nouveaux pesticides n’exigent pas de tests couvrant tous les effets possibles de perturbation endocrinienne ». L’auteur en parle comme si rien n’était fait sur le sujet. Pourtant voici un article intéressant de l’Anses : https://www.anses.fr/fr/content/les-perturbateurs-endocriniens
  4. Les tests actuels « sont vieux, égrotants, et n’ont tenu aucun compte des bouleversements scientifiques advenus ces quinze dernières années ».
    Non, la réglementation et les lignes directrices sont fréquemment mises à jour. Je ferai notamment référence aux travaux de l’EFSA sur les effets non linéaires et l’effet cocktail déjà cités plus haut.
  5. « Une voie de cancérogénèse, […] épigénétique […], est ignorée par ce qu’il faut bien appeler une bureaucratie d’Etat ».
    Voir commentaire n°2 du chapitre 6.

Chapitre 13

Dans ce chapitre, il se contente de présenter sa théorie du complot entre l’INRA, ARVALIS, l’ACTA, etc. Il se base sur des données, une fois de plus, anciennes (1888, 1946, 1959, 1970, 2002) et implique « la Chine, le Brésil, voire l’Inde ou l’Afrique » à défaut peut-être de trouver de quoi critiquer la situation européenne actuelle. En résumé, il s’offusque que des agences publiques travaillent sur des projets communs avec des associations et coopératives agricoles. Est-il déraisonnable que des agences publiques dialoguent avec les professionnels du secteur qui les concernent ? Au contraire, il me semble que l’absence d’échanges entre les deux conduirait à des impasses : comment évaluer correctement des impacts si l’on n’a pas de données de terrain ? Faudrait-il alors augmenter drastiquement les financements des agences publiques afin de pallier à une interdiction de dialogue avec le milieu agricole ? Qui financerait et comment (les citoyens par une hausse d’impôts) ? Travailler sur des projets communs ne veut pas dire être influencé. D’ailleurs, rien dans ce que M. Nicolino raconte ne le démontre. Les agences publiques sont indépendantes et, à ce titre, elles sont en mesure de faire la part des choses.

Chapitre 14

  1. « L’industrie des pesticides exprime son obsession définitive pour la résistance à ses molécules, qui conduit à la chute de ses profits ».
    Les industriels ne sont pas les seuls à se préoccuper de la problématique de la résistance. Le développement des résistances de certaines maladies aux pesticides pénalise absolument tout le monde : fabricants de pesticides, agriculteurs et consommateurs. Personne ne trouvera d’intérêt dans le développement de maladies qui détruisent nos cultures.
  2. « Mme Corio-Costet n’aurait jamais dû accepter de siéger comme experte dans une controverse dont elle était partie prenante ».
    La « controverse dont elle était partie prenante » consiste en la simple présentation d’un power point en tant qu’experte de l’INRA à un colloque financé par l’industrie. Quant aux projets de recherches financés par l’industrie : voir point 5 du chapitre 14.
  3. « Dans un autre texte présenté au symposium, notre chercheuse s’intéresse à la « competitive fitness and adaptation of QoI Resistant Plasmopara viticola Strains ».
    De nouveau, une communication sur les résistances aux fongicides. Dans les deux cas, et je ne crois pas calomnier en l’écrivant, des recherches publiques servent l’intérêt privé des fabricants de pesticides ». C’est surtout, en l’occurrence, que la recherche publique permet d’informer les professionnels du secteur des enjeux qui les concernent et dont dépend l’avenir de l’agriculture. Si l’INRA dispose de données sur la résistance de certaines maladies aux pesticides, en quoi est-il problématique qu’elles soient communiquées aux fabricants de pesticides ? L’échange de ces informations bénéficie au final aux agriculteurs, puis aux consommateurs.
  4. « Extrême porosité entre structures publiques et privées ».
    Si des échanges existent, c’est qu’ils sont constructifs et permettent de ne pas, chacun de son côté, s’engager dans des impasses. Tant qu’il n’y a pas de jeu d’influence, est-ce vraiment problématique ?
  5. « Mme Walker […] accepte depuis au moins 2010 de l’argent d’ARVALIS, de l’Anses, mais aussi de Syngenta, de BASF, de DuPont, de Dow. Certes, pour des études. J’ai le droit élémentaire d’y voir un fil – ou plutôt un câble d’acier – à la patte ».
    Nous lui accordons le droit de voir les illusions qu’il souhaite. Anne-Sophie Walker a effectivement travaillé sur des projets en rapport avec les résistances aux fongicides, mais toujours à l’INRA. Quelques questions pour réflexion : vaut-il mieux que les projets de recherche sur l’optimisation de l’utilisation des pesticides soient financés par les firmes ou par de l’argent public ? Vaut-il mieux que les firmes s’occupent de tout au risque de sortir des rapports qui conduiraient au grand n’importe quoi en matière d’usages des pesticides ou bien que ces projets soient réalisés par des structures publiques ? La réponse de Nicolino serait simple : « Interdisons immédiatement tous les pesticides comme ça la question ne se pose plus ! » La réalité est plus complexe : nous vivons dans le monde réel où les pesticides sont actuellement des outils nécessaires dont on ne peut se passer du jour au lendemain (voir chapitre 11, point 3). 

Chapitre 15

  1. « Je radote ».
    Je confirme.
  2. « Les marchands vendent, et ARVALIS fait appliquer leurs produits pour leur plus grand bonheur financier ».
    La raison pour laquelle des pesticides sont utilisés est la protection de nos cultures contre les ravageurs.
  3. « Cette note de décembre 2009 donnant des conseils d’épandage [était signée par] ARVALIS, la PSV et l’INRA [mais aussi] l’AFSSA, ancêtre de l’Anses. La première fois que j’ai lu cela, j’en ai été choqué ».
    Monsieur Nicolino est donc choqué qu’une agence publique sanitaire prodigue des conseils visant à sauvegarder les cultures contre des ravageurs en optimisant l’utilisation des pesticides. Visiblement, il n’a pas bien compris que la mission d’une telle agence est justement d’éviter les crises sanitaires, dont les attaques de ravageurs font partie.
  4. « Ni l’INRA ni l’Anses ne pouvaient ignorer ce formidable engouement pour les SDHI, d’autant moins qu’ils le partagent ».
    Il importe à ces agences que les agriculteurs ne souffrent pas des attaques de champignons. Mais selon Fabrice Nicolino, elles aiment éperdument les SDHI pour une raison qu’il n’explique (évidemment) jamais (parce que ça n’a aucun sens).
  5. « Mme Walker […] est concentrée sur les phénomènes de résistance des champignons. Sans un mot sur les dangers ».
    C’est normal, les dangers et les risques sont du ressort des dossiers d’homologation et Mme Walker est spécialiste de la question des résistances, pas de l’évaluation des risques concernant les utilisateurs et les consommateurs.

Chapitre 16

  1. Ce chapitre peut être résumé en un festival d’amalgames entre les scandales de l’amiante, du plomb, des perturbateurs endocriniens, du tabac, de la crise climatique, et des pesticides. Il commence d’ailleurs en citant Staline (sans doute pour ne pas épuiser les nazis, déjà invoqués 2 ou 3 fois dans les pages précédentes). Il développe tous les scandales sanitaires passés et se contente de conclure que c’est la même chose pour les SDHI. Facile !
  2. « Je crois sincèrement qu’il faut laisser de côté une fable ancienne selon laquelle les scientifiques seraient au service de la société, pourquoi pas du Bien ».
    Voir commentaire au point 1 du Chapitre 5. Par ailleurs, il est amusant de noter qu’avec cette phrase, l’auteur envoie également au bûcher Pierre Rustin et ses collègues.
  3. Fabrice Nicolino nous parle ensuite des Larouchistes dans des termes vagues mais dont on comprend qu’ils sont des gens peu recommandables, appartenant à une sorte de société secrète et qui seraient responsables des grands maux de notre temps.
    D’après le site ConspiracyWatch, ils n’ont rien à voir avec les pesticides. Cela n’empêche pas Fabrice Nicolino de tout relier. Il a beau se défendre d’être complotiste, cela s’y apparente beaucoup… Il nous explique ensuite que le DG de l’Anses, Roger Genet, a accordé un entretien à Gil Rivière-Wekstein, qui dans la logique de M. Nicolino, serait un larouchiste. On peine à comprendre les fondements de cette accusation car aucune justification n’est proposée. Pour en revenir au sujet, Roger Genet a donc accordé une interview à la revue Agriculture et Environnement dont Gil Rivière-Wekstein est le fondateur. On peut comprendre que M. Nicolino s’offusque de voir une interview accordée à une revue orientée pro-pesticides tandis que de son côté, il semble plutôt essuyer les refus. Peut-être que le fait que son fondateur n’ait pas souhaité publiquement la mort de l’Anses y est pour quelque chose.
  4. « Plus gros consommateur de pesticides en Europe pendant des décennies, la France est maintenant dépassée par l’Espagne, mais ce n’est une bonne nouvelle ni pour l’une ni pour l’autre. C’est la preuve évidente que le lobby industriel est surpuissant dans les deux pays. »
    En réalité, c’est avant tout la preuve que la France et l’Espagne sont des puissances agricoles. Plus un pays est couvert de champs, plus il aura recours aux pesticides. Voici un extrait d’un article de Générations Futures (qu’on ne peut estimer pro-pesticide !) très éclairant à ce sujet : « Les records français et espagnols sont principalement dus au fait que ces pays sont les principaux producteurs agricoles d’Europe. Avec un grand territoire et des terres cultivables très étendues, la France, l’Espagne ou encore l’Allemagne ont logiquement recours à plus de pesticides que d’autres pays disposant de plus petites surfaces agricoles. On parle alors de Surface Agricole Utile, et les pays disposant des SAU les plus étendues consomment mécaniquement un plus fort tonnage de pesticides, à techniques agricoles équivalentes. Pour obtenir une comparaison plus juste entre la consommation des différents pays, la première méthode consiste à rapporter le tonnage de produits chimiques à la SAU du pays. Cela revient à observer combien de pesticides sont déversés pour chaque hectare cultivé. Avec cette méthode de calcul, l’utilisation de pesticides en France se situe légèrement au-dessus de la moyenne européenne, mais reste deux fois inférieure à celle de la Belgique, des Pays-Bas ou de l’Italie. »

Chapitre 17

Dans ce chapitre il présente l’affaire des bébés sans bras et des cancers pédiatriques pour conclure que « les SDHI peuvent être responsables dans les deux cas. Peuvent. J’ai évidemment sondé l’opinion de plusieurs chercheurs, dont certains signataires de la tribune sur les SDHI. […] Deux m’ont affirmé que la piste des pesticides ne leur paraissait pas être la bonne. Tandis que 3 autres m’ont dit que le mécanisme d’action des SDHI ne permettait pas d’exclure leur responsabilité ». Inversez les deux dernières phrases (soit « 3 m’ont dit que le mécanisme d’action des SDHI ne permettait pas d’exclure leur responsabilité. Tandis que 2 m’ont affirmé que la piste des pesticides ne leur paraissait pas être la bonne ») et voyez l’habile sophisme par lequel l’auteur tente de mener le lecteur à la conclusion qu’il souhaite. Au final, la seule réelle conclusion est qu’aucun de ces 5 chercheurs n’a, à la lumière de leurs connaissances actuelles, confirmé un lien entre SDHI et l’affaire des bébés sans bras ou des cancers pédiatriques. Les déductions alimentent certes les enquêtes, mais l’intuition peut faire fausse route et c’est pourquoi on attend d’une conclusion qu’elle repose sur des éléments concrets et vérifiables. Les surveillances, recherches et études menées sur ces différents sujets nous éclaireront, je l’espère prochainement, sur la question. 

Chapitre 18

Voici ici tout un chapitre dans lequel il raconte la vente et l’utilisation des pesticides en dehors de l’Europe. A la dernière page du chapitre, l’auteur conclut : « Vous pensez peut-être que tout ce qui précède n’a rien à voir avec les SDHI ? Au contraire. De la manière dont l’agrochimie diffuse ses anciens produits, on peut aisément déduire comme elle fait avec ces SDHI dont la dangerosité est potentiellement bien pire encore ». On ne comprendra donc pas le lien avec les SDHI car cette dernière phrase ne veut rien dire, du moins en français. Dommage… On peut toutefois supposer qu’il voulait dire que « l’industrie appuie dans l’ombre l’usage des SDHI dans le monde entier ».
Or, si leur utilisation ne présente pas de risque, où est le problème ? Surtout s’ils viennent remplacer d’autres produits très toxiques, comme ceux qu’il cite à répétition chaque fois qu’il évoque un cas hors union européenne.
Les quelques paragraphes qui suivent expliquent, chiffres sortis « d’on ne sait d’où » à l’appui, que les SDHI vont envahir le monde. Sur ce point, voir le commentaire 2 de la partie « En guise de bienvenue »

Chapitre 19

  1. « Tout ce qui respire est menacé directement, ainsi que le montrent des études in vitro sans appel. »
    Les études in vitro montrent que des cellules vivantes dans un tube à essai ou une boîte de pétri (donc hors de l’organisme) mise en présence de SDHI meurent par asphyxie. Sur ce point, voir le point 1) du Chapitre 9.
  2. « Je crois avoir montré que les tests réglementaires sont une foutaise ».
    L’auteur tire cette conclusion hâtive alors qu’il n’a abordé que quelques tests sur la centaine requise à toute homologation et sans avoir prouvé leur inefficacité.
  3. « Pourquoi l’Anses joue-t-elle un jeu si déprimant ? Parce qu’elle fait partie du lobby des pesticides ».
    Ici, l’auteur accuse cette agence sanitaire publique et indépendante dont les activités sont transparentes (tous les avis et déclaration d’intérêt sont consultables sur le site de l’agence – voir aussi point 3 et 8 du commentaire général) de nuire volontairement à l’intérêt public. On aimerait lui demander pour quelle raison l’Anses ferait cela. Quel serait le mobile, puisqu’il s’agit d’un « crime » ? Ceci, il ne l’explique jamais. Cette accusation relève simplement d’une forme de provocation gratuite.
    Mais l’auteur semble s’égarer lui-même. Quelques lignes plus loin il écrit : « Les agents publics de notre protection ont violé le serment de fidélité à la société qui est au départ de tout service public. Sans en avoir une claire conscience, je veux bien le croire, ils ont consacré une partie notable de fonds à eux confiés à la défense d’intérêts privés ». Comment peut-on « sans en avoir une claire conscience » faire partie d’un lobby (qui dans son fondement sait clairement ce qu’il défend) ?
  4. « […] ils ont consacré une partie notable de fonds à eux confiés à la défense d’intérêts privés. Qui a pu décider d’associer l’Anses à la rédaction de notes communes pour l’usage et la promotion des SDHI ? »
    Selon Fabrice Nicolino, la rédaction de quelques notes représenterait donc « une partie notable » du budget de toute agence publique… Je savais que le domaine public manquait d’argent mais pas à ce point-là !
  5. « Ces notes se répètent depuis près de dix ans, et un seul mot me vient : indéfendable ».
    L’auteur reproche à l’Anses de co-signer des notes avec les professionnels agricoles pour aider l’agriculture française. C’est sur cet « argument » qu’il accuse cette agence d’appartenir au lobby des pesticides. Cette sous-démonstration est bien faible (voir remarques précédentes).
  6. « La haute hiérarchie de l’Anses est pleinement responsable de ces textes, qui ne disent jamais un mot de l’éventuelle dangerosité des SDHI […] ».
    Car ce n’est pas là le sujet de ces notes. Le développement de l’évaluation du risque trouve plutôt sa place dans les rapports d’évaluation des substances actives et des produits.
  7. « Elle refuse à Rustin que quelqu’un de son équipe fasse partie [du groupe d’experts] ».
    Comprenez : M. Nicolino s’offusque que l’Anses co-signe des notes avec les instituts agricoles, mais qu’un lanceur d’alerte évalue sa propre alerte ne lui pose aucun problème…
  8. A propos du recrutement à l’Anses de Sophie Le Quellec en tant que directrice du cabinet du DG de l’agence et directrice de la communication de l’agence, qui choque Nicolino, nul n’est besoin de faire un dessin pour savoir que « communication » et « évaluation » sont deux directions distinctes. Ce poste dans la communication n’implique logiquement aucun poids de sa part sur les évaluations et autorisations de pesticides. 
  9. « Mon point de vue, définitif, est que l’Anses doit être dissoute. Elle a fait preuve de si graves errements qu’ils ne peuvent être que structurels ».
    Dissoudre l’Anses pour la remplacer par une agence publique et indépendante dont les activités sont transparentes ?
    Il semblerait que l’Anses soit déjà tout cela.

Je tiens à vous remercier pour votre attention, même si vous n’avez pas tout lu. J’espère avoir éclairé les personnes qui se posaient des questions sur les pesticides, le fonctionnement de l’Anses et la polémique des SDHI. Continuez à cultiver votre esprit critique et n’écoutez pas uniquement ceux qui crient le plus fort !

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5 commentaires

  1. Raymond Gabriel a dit :

    D’utilité publique, merci !

    1. Demissy a dit :

      Tout pareil

  2. Richard Barrett a dit :

    Anonyme = foutriquet! Pour quelle raison patente, l’auteur de cette prose n’ose pas se nommer?

  3. […] en dénonçant les « élucubrations » de F.Nicolino, ou dans d’autres médias comme le Blog d’Utopia en janvier 2020. Ce dernier se présente comme suit: « Le projet Utopia n’est pas une secte, ni un groupuscule […]

  4. Flore a dit :

    Merci, c’est très intéressant.

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