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Nicolino et les SDHI : critique (version courte)

Cet article nous a été proposé par un agent de l’ANSES qui n’a pas participé à l’évaluation des SDHI mais désire rester anonyme. Toutefois, cet agent tient à préciser que les opinions qu’il exprime dans cette critique sont les siennes propres et ne correspondent pas nécessairement à l’opinion officielle de l’Anses.
Rien de ce qui suit n’émane de l’ANSES et ne saurait engager l’agence !

Pour le plus de transparence possible, nous vous communiquons la teneur de l’implication du Projet Utopia dans ce texte :
– Relecture, et validation des faits et arguments qu’il nous était possible d’évaluer selon nos recherches et connaissances.
– Correction orthographique (nous en avons certainement loupé !)
– Assouplissement de certains passages un peu « durs » ou manquant de nuance.
– Mise en forme en 2 partie.
– Mise en forme et publication blog.

Cette partie est la version courte de la critique. Pour une analyse bien plus complète et complémentaire, il faut également lire le second article sur la question.

Depuis quelques années, les pesticides sont la cible de nombreuses attaques. Entre les polémiques sur les néonicotinoïdes, le glyphosate, le sulfoxaflor et le chlordécone, le sujet est largement relayé dans les médias. C’est désormais au tour des pesticides de la famille des SDHI de passer à la moulinette médiatique, via la sortie du livre de Fabrice Nicolino : Le crime était presque parfait, en septembre 2019.

Les SDHI sont des fongicides inhibiteurs de la succinate déshydrogénase (SDH). Ils bloquent la respiration des cellules de champignons affectant les cultures. Or, en 2017, un collectif de chercheurs a contacté l’Anses (L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) en lui indiquant que les SDHI, pouvaient avoir sur l’homme des effets comparables à ceux qu’ils ont sur les champignons et pourraient notamment être une source de cancers. En avril 2018, ce même collectif publiait une alerte dans le journal Libération. S’ensuivit un emballement médiatique dont s’est emparé Fabrice Nicolino, journaliste et président de l’association Nous voulons des coquelicots qui avait lancé en septembre 2018 un « immense Appel pour l’interdiction de tous les pesticides* » (*de synthèse). Celui-ci a rencontré le collectif de chercheurs lanceurs d’alerte et écrit un livre intitulé « Le crime est presque parfait », publié le 11 septembre 2019. Dans cet ouvrage, Fabrice Nicolino entend démontrer la nécessité d’interdire l’ensemble des pesticides* (*de synthèse), en particulier les SDHI, et en appelle à la dissolution de l’Anses, qu’il accuse d’entretenir des liens inacceptables avec les lobbies industriels.

Je ne pense pas que Fabrice Nicolino cherche à duper ses lecteurs dans le seul but de vendre ses ouvrages. Je pense plutôt qu’il est vraiment persuadé de ce qu’il écrit et qu’il se considère comme un héros. Malheureusement, comme nous allons le voir, sa connaissance du sujet s’avère être assez superficielle et son travail d’enquête est bâclé, de peur peut-être de découvrir des informations qui contredisent ses idées déjà arrêtées. Ce livre accumule beaucoup d’approximations, de contre-vérités et de comparaisons hasardeuses, pourtant facilement contredites ou corrigés après quelques efforts de recherche sur internet. L’absence de bibliographie et de références de bas de page nous amène à nous questionner sur la fiabilité de ses sources et renseignements. A-t-il interrogé ses préjugés avant de nous déployer toute sa panoplie d’hypothèses ? Et ces hypothèses reposent-elles sur des faits tangibles ?

Fabrice Nicolino reconnait lui-même ces failles à plusieurs occasions : « sans preuve, il est vrai » (p.91), « Trop technique pour moi » (p.99), « Et je ne suis sûr de rien » (p.111), « naviguant sans nulle preuve » (p.136).

Lorsqu’on défend une cause, surtout quand il s’agit de causes aussi importantes que la santé ou l’environnement, il me semble fondamental de le faire rigoureusement.

Si vous n’avez pas beaucoup de temps devant vous, je vous propose un résumé de mon propos au travers de réponses à des questions que Fabrice Nicolino se pose dans son livre et sur son site internet. Si vous disposez de plus de temps, je vous propose de lire également une critique plus complète qui explique, chapitre par chapitre, en quoi le livre de Fabrice Nicolino nuit en réalité à la cause qu’il défend en décrédibilisant le mouvement écologiste. Cette critique détaillée vient compléter la version résumée et ne la remplace pas totalement.

Bonne lecture.

Plutôt que de chercher à travailler AVEC les institutions, les ONG environnementalistes préfèrent la moquerie...

1/ Pourquoi l’agence de sécurité sanitaire Anses a-t-elle gardé le silence pendant six mois après la grande alerte lancée par des scientifiques de réputation mondiale ? 

Dans son entretien avec Le Point suite à la publication de ce livre (article publié le 13/09/2019), Gérard Lasfargues, directeur général délégué du pôle sciences pour l’expertise de l’Anses, confirme que : « Contrairement à ce qui est écrit dans le livre, nous n’avons pas découvert cette alerte en 2018, au moment de la publication de la tribune. Dès la fin 2017, nous avons échangé avec le généticien Pierre Rustin, qui étudiait alors les maladies rares issues d’un déficit génétique important et constant en SDH. »
Soyons prudents et évitons l’amalgame « silence médiatique = absence d’action scientifique »

2/ Pourquoi l’Anses a-t-elle refusé la présence dans le groupe d’experts finalement réuni de Pierre Rustin, détenteur d’informations inquiétantes ? 

Autrement dit : « pourquoi ne pas avoir demandé au lanceur d’alerte d’évaluer sa propre alerte ? »

Un certain nombre de raisons peuvent expliquer ce choix : peut-être parce l’évaluation du risque des produits pesticides ne fait pas partie de ses compétences ? Peut-être parce qu’il a déjà pu y contribuer en apportant ses éléments d’alerte ? Peut-être encore pour les mêmes raisons qui imposent que les dossiers d’homologation des pesticides soient évalués par une agence publique et indépendante et non directement par les industriels ?

3/ Pourquoi l’Anses a-t-elle désigné comme président de son groupe d’experts un pharmacien de la Marine Nationale qui n’a aucune connaissance sur les maladies mitochondriales ? 

Il est fondamental qu’un groupe d’experts puisse aborder une problématique de la manière la plus complète possible et éclairer/affiner une évaluation par le croisement de divers domaines d’expertise pertinents. Certes, il est important d’être attentif à l’alerte de Pierre Rustin suite aux résultats de ses essais in vitro (essais sur des cellules isolées du reste de l’organisme). Mais dans le cadre d’une évaluation de risque, il semble pertinent d’avoir l’avis d’un expert en toxicologie qui est à même de se prononcer sur le devenir d’une substance dans l’organisme vivant et ses effets potentiels en cas d’exposition.

(Je vous invite à lire le point 10 en ce qui concerne les notions de danger et de risque.)

4/ Pourquoi l’Anses signe-t-elle des notes communes qui promeuvent l’usage des SDHI avec un institut de l’agriculture industrielle, ARVALIS ? 

L’Anses n’est pas une entité monocéphale. Elle est divisée en 4 pôles (https://www.anses.fr/fr/content/organisation-de-lagence) : 

1 – Le pôle « affaires générales » ; 

2 – Le pôle « produits réglementés » ; 

3 – Le pôle « sciences pour l’expertise » ; 

4 – Le pôle « Recherche et référence »

L’évaluation des dossiers d’homologation des pesticides est réalisée par la Direction de l’Evaluation des Produits Réglementés, au sein du second pôle. Le lecteur curieux qui sera allé consulter l’une de ces notes (il suffit de chercher « note Anses Arvalis » pour en trouver : https://www.arvalis-infos.fr/file/galleryelement/pj/ec/2e/cc/00/note_commune_2019_finale4171869336735947962.pdf), y aura trouvé l’information suivante : « Les analyses sont réalisées par l’unité CASPER de l’Anses (laboratoire de Lyon) ». Quelques efforts de recherche supplémentaires permettent de constater que le laboratoire de Lyon appartient au pôle « Recherche et référence » et non au pôle « produits réglementés ». Autrement dit, les laboratoires qui communiquent avec Arvalis et les unités qui évaluent les dossiers d’homologation des pesticides sont deux entités distinctes. La remise en cause (sous-entendue dans la question) de l’indépendance de l’évaluation ne repose donc que des présupposés et non de vrais arguments.

Pour en revenir au laboratoire de Lyon, celui-ci possède une unité « Résistance aux produits phytosanitaires » (tout est là : https://www.anses.fr/fr/content/laboratoire-de-lyon) dont la fonction est définie ainsi « Dans le contexte actuel de mise en œuvre des politiques de réduction des intrants en agriculture et du développement durable, l’étude et le suivi de ces problèmes de résistance constituent un outil d’expertise et une source d’informations indispensables pour une utilisation raisonnée des pesticides. » Il ne semble donc pas illogique que les données issues de ce laboratoire soient partagées avec les professionnels. 

Fabrice Nicolino aurait-il négligé une recherche aussi élémentaire ? Lorsque cela peut avoir pour conséquence la désinformation (même involontaire) des lecteurs, c’est regrettable.

5/ Est-il normal que l’Anses donne les autorisations de nouveaux pesticides et soit en charge de leur éventuel retrait ? N’est-ce pas mission impossible ? 

Permettons-nous une petite comparaison pour mettre en avant le sophisme de cette question : « Est-il normal qu’un garage valide des contrôles techniques et soit en charge de recaler les véhicules vétustes ? N’est-ce pas mission impossible ? Ne faudrait-il pas deux types de garages, un type qui autorise les véhicules à continuer de rouler et un autre qui les retire de la circulation ? » A vous de voir à quel type de garage vous préfèreriez confier votre véhicule.

Visiblement, Fabrice Nicolino ignore tout du fonctionnement de l’agence qu’il a pris pour cible. Cela arrive, et il est certainement loin d’être le seul. Le problème est qu’il ne semble pas avoir jugé utile de se renseigner davantage dessus. Et cela est plus grave, surtout pour un journaliste.

La procédure d’évaluation avant mise sur le marché des préparations commerciales phytopharmaceutiques est expliquée ici : https://www.anses.fr/fr/content/evaluation-avant-mise-sur-le-march%C3%A9-des-pr%C3%A9parations-commerciales-phytopharmaceutiques

Voici quelques informations clés ci-dessous :

– L’évaluation des substances actives et des préparations est strictement encadrée et harmonisée au niveau européen par le règlement (CE) n°1107/2009. La démarche est structurée en trois étapes :

  1. L’Anses vérifie la validité scientifique des données fournies par les industriels, et leur conformité aux exigences réglementaires.
  2. Elle évalue ensuite l’efficacité des produits et les risques liés à leur utilisation (pour les applicateurs, les personnes présentes près des lieux d’épandage, etc., mais aussi les consommateurs, l’environnement, la faune et la flore) et en fait la synthèse.
  3. Elle formule enfin des recommandations pour l’utilisation des produits.
    L’Agence fait intervenir des équipes d’évaluateurs scientifiques multidisciplinaires (chercheurs, agronomes, chimistes, pharmaciens, ingénieurs environnement, vétérinaires) ainsi que 2 comités d’experts spécialisés composés de personnalités scientifiques, de professeurs de l’enseignement public et de chercheurs extérieurs à l’Agence. Chaque expert interne ou externe intervenant dans l’évaluation des dossiers remplit une déclaration publique d’intérêt (DPI) publiée sur le site internet de l’Agence.

– Les conclusions de l’évaluation (ou avis) présentent une synthèse des risques identifiés et les intérêts agronomiques pour les usages revendiqués. Elles concluent sur l’acceptabilité des risques et permettent également de fixer des bonnes pratiques d’utilisation et, si nécessaire, d’introduire des restrictions d’usage en fonction des risques identifiés. Les avis rendus par l’Agence, ainsi que l’ensemble de ses travaux, sont systématiquement rendus publics et sont consultables sur son site Internet.

– La mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques est subordonnée à une autorisation officielle délivrée par l’Anses. Les décisions s’appuient sur des lignes directrices établies par l’Agence qui précisent les critères pris en compte dans le processus de décision des autorisations de mise sur le marché, sur la base du résultat de l’évaluation scientifique, et dans le respect des exigences du règlement européen. Ces décisions sont d’une durée de 10 ans, à l’issue desquels les pétitionnaires sont tenus de déposer une nouvelle demande d’autorisation. Les produits font par ailleurs l’objet d’un réexamen lorsque les conclusions de l’évaluation communautaire des substances actives qu’ils contiennent sont disponibles. L’Anses réévalue l’ensemble du dossier et prend en compte l’ensemble des données de terrain ainsi que les dernières connaissances scientifiques disponibles.

Pour résumer, une direction réalise l’évaluation des données et rend un avis (la Direction de l’évaluation des produits réglementés), puis une autre direction décide de délivrer ou non l’autorisation de mise sur le marché sur la base de l’évaluation (la Direction des autorisations de mise sur le marché). Une évaluation peut mener à un avis favorable, un avis favorable avec des restrictions, ou un avis défavorable. Rien d’impossible, donc.

6/ Êtes-vous prêts, vous les responsables publics, à l’organisation d’un vrai débat public au cours duquel toutes les pièces pourraient être présentées ?

Je ne saurais dire ce qu’il en est du côté des responsables publics. Fabrice Nicolino, quant à lui, ne le sera pas sur le fond de la question s’il se cantonne à son argumentaire bancal et s’entête à privilégier la forme médiatique et le « buzz » au détriment d’une évaluation scientifique rigoureuse.

7/ Au moment où commence le procès du Médiator, n’est-il pas temps de prendre les devants et d’au moins imposer un moratoire sur des pesticides aussi menaçants ? 

Fabrice Nicolino décrit les SDHI comme des pesticides « menaçants ». Mais ses preuves sur le caractère menaçant de ces pesticides sont limitées et ses arguments fragiles. Ses arguments les plus entendables reposent sur les recherches de Pierre Rustin qui renseignent avant tout sur le danger plutôt que sur le risque (sur la différence de ces 2 notions, voir le point 10). Le principe de précaution, tel que défini dans la réglementation européenne et française, s’applique selon certaines règles et sur la base de certains critères qui ne sont pas satisfaits dans le cas des SDHI.  

En effet, le principe de précaution ne se cantonne pas à l’interdiction d’un produit dès qu’un doute sur son innocuité surgit. Il repose sur 6 principes bien définis (https://www.nss-journal.org/articles/nss/pdf/1999/03/nss19990703p71.pdf) :

  1. La mise en œuvre d’une approche fondée sur le principe de précaution devrait commencer par une évaluation de risque objective identifiant à chaque étape le degré d’incertitude scientifique.
  2. La décision d’étudier les différentes options de gestion envisageables lorsque les résultats de l’évaluation de risque sont connus, devrait impliquer l’ensemble des parties prenantes dans la plus grande transparence possible. 
  3. Les mesures fondées sur le principe de précaution devraient être proportionnées au risque à limiter ou supprimer.
  4. Les mesures fondées sur le principe de précaution devraient tenir compte d’une évaluation bénéfice/coût (avantage/inconvénient) pour envisager une réduction du risque à un niveau acceptable pour l’ensemble des parties prenantes. 
  5. Les mesures fondées sur le principe de précaution devraient pouvoir établir une responsabilité en matière de production des preuves scientifiques nécessaires à une évaluation de risque complète. 
  6. Les mesures fondées sur le principe de précaution devraient toujours avoir un caractère provisoire dans l’attente des résultats des recherches scientifiques effectuées pour générer les données manquantes et réaliser une évaluation de risque plus objective.

L’évaluation évoquée par le premier principe est réalisée par l’Anses dans le cadre de l’évaluation des dossiers d’homologation. Dans la mesure où le risque lié à l’utilisation des SDHI est considéré faible (le risque 0 n’existe pas, voir critique complète, Chapitre 2, point 3), une interdiction, même temporaire, n’est pas justifiée selon le troisième principe. 

8/ Êtes-vous prêt à soutenir le projet d’une véritable agence publique de protection, enfin indépendante de l’industrie des pesticides ?

L’Anses est déjà une agence publique indépendante. Dès sa création en 2010, l’agence a adopté un modèle de gouvernance pour assurer indépendance et transparence dans son fonctionnement (déclarations publiques des intérêts pour les experts, publication des travaux, etc…, les premières questions-réponses ci-dessus nous ont déjà amené à en découvrir quelques aspects). 

Ses travaux sont tantôt critiqués par les industriels, tantôt par les ONG ou encore diverses associations, et attaqués (parfois par ignorance) par certains médias. Bref, l’Anses est indépendante.

9/ Pourquoi parler de produits phytosanitaires ou phytopharmaceutiques et pas de pesticides ? (question absente du site internet de Fabrice Nicolino mais soulevée dans le livre)

Il est certain que cela arrange les industriels que leurs produits soient présentés comme des « produits qui soignent » plutôt que des « produits qui tuent ». Mais si les termes « produits phytosanitaires » et « produits phytopharmaceutiques » sont utilisés c’est surtout parce qu’ils sont plus spécifiques et exhaustifs. Un pesticide est littéralement un produit « qui tue des nuisibles ». Un shampooing anti-poux, un produit anti-puces pour les chiens, un produit d’entretien désinfectant ou encore un herbicide sont donc des « pesticides ». Le préfixe « phyto » désigne un produit qui est utilisé sur des plantes, ce qui apporte une précision supplémentaire. 

Dans ce cas, pourquoi ne pas parler de « phytopesticide » ? C’est déjà plus précis mais certains produits réglementés (car potentiellement aussi dangereux que les « -cides ») sont alors exclus, tels que les régulateurs de croissance, les stimulateurs de défense naturelles, les microorganismes et les phéromones. L’appel des Coquelicots laisse donc le champ libre à tous ces produits qui ne sont pas à proprement parler des « pesticides ». Cependant, ces produits étant des produits réglementés, ils sont bien évalués par les agences européennes avant leur mise sur le marché.

Il est à noter que pour une raison de simplicité et par abus de langage, j’emploie parfois les mots « pesticide » ou « produit pesticide » à la place et dans le sens de « produit phytosanitaire ». Encore une raison d’utiliser le terme « pesticide », donc.

10/ J’ajoute cette citation provenant du site des Coquelicots : « sachez que des centaines d’études -des CENTAINES- parues dans les meilleures revues scientifiques de la planète ont montré l’extrême toxicité des pesticides de synthèse. »

Tout d’abord, il convient de préciser que la précision « de synthèse » est peu pertinente car elle ne permet pas de présumer du niveau de dangerosité d’une substance. Gardez en tête que le mercure et l’arsenic, dont la toxicité n’est plus à démontrer, sont des substances naturelles. Certaines huiles essentielles sont même suspectées d’agir comme des perturbateurs endocriniens (https://www.topsante.com/medecine/environnement-et-sante/perturbateur-endocrinien/des-huiles-anti-poux-soupconnees-d-etre-des-perturbateurs-endocriniens-622607). 

De nombreuses études sur les pesticides ont en effet été menées. Certaines ont pour but d’en étudier les dangers, d’autres les risques inhérents à leur utilisation. Attention à ne pas les confondre : entre danger et risque, il y a une question d’exposition. Plus exactement, un risque advient lorsqu’on est exposé à un danger. L’évaluation du risque repose sur cette notion. Et si on a parfois l’impression que les scientifiques eux-mêmes ne parviennent pas à se mettre d’accord dans les débats sur les pesticides, c’est peut-être parce qu’ils n’abordent pas tous le sujet sous le même angle.

Les pesticides sont pour l’essentiel des produits dangereux et – à défaut d’avoir les références des études dont le site des Coquelicots fait mention pour pouvoir s’en assurer – nous sommes amenés à supposer que nombre de ces études s’intéressent à affiner nos connaissances sur les dangers de ces produits ou des substances qui les composent. 

Une fois le danger connu, les scientifiques qui évaluent les risques induits par ces produits sont amenés à se poser des questions comme « dans quelles conditions ? », « à quelle dose ? », etc. Car c’est la dose à laquelle on est exposé qui fait le poison. Dans son évaluation des dossiers d’homologation, l’Anses évalue les risques, c’est-à-dire qu’elle prend en compte les conditions réelles d’utilisation des produits, avec des facteurs de sécurité permettant de surestimer raisonnablement le risque. Les autorisations ne sont délivrées qu’aux produits dont l’utilisation, dans les conditions appropriées, présentera un risque proche de zéro (le risque zéro n’existe pas, quel que soit le domaine).

Les connaissances scientifiques et techniques s’améliorant et les pratiques évoluant au fil du temps, nos connaissances des dangers s’affinent et le risque est réévalué selon un cycle régulier ou dès lors que cela s’avère nécessaire comme suite à une alerte.

Il faudrait aussi aborder la question des « effets cocktail » et des perturbateurs endocriniens car Fabrice Nicolino y fait souvent référence pour remettre en cause le principe selon lequel c’est la dose qui fait le poison. Ces questions sont abordées dans la critique détaillée (Chapitre 3, point 5 et Chapitre 12, points 2 et 3).

Pour finir, je vous invite à la réflexion suivante : nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation où l’image des agences de protection se retrouve ternie par des suspicions de complots, où certains journalistes s’improvisent évaluateurs scientifiques tandis que certains juges s’approprient le rôle de décisionnaire sans être des spécialistes. Au milieu de ce capharnaüm, quelle place accorde-t-on encore à la science ? Quelle oreille attentive et impartiale lui prête-t-on ? Choisit-on une voie juste en s’attaquant aux agences qui ont été créées dans le but d’assurer notre protection au lieu de les soutenir face à la véhémence des lobbyistes et aux pressions politiques, médiatiques et juridiques ? Est-il juste de les accuser de prendre part à des complots au lieu de défendre leur travail et d’y apporter des critiques constructives dans un souci d’amélioration ? 

Si vous désirez en savoir plus, n’hésitez pas à lire la version détaillée de la critique du livre !

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1 commentaire

  1. Zernick a dit :

    9/ Pourquoi parler de produits phytosanitaires ou phytopharmaceutiques et pas de pesticides ?

    Parce que c’est le vocabulaire de la réglementation, et que la réglementation définit ces produits.
    Le mot « phytosanitaire » est ancien, le mot « phytopharmaceutique » est celui de la réglementation en cours (règlement 1107/2009).
    De façon plus ancienne encore, le mot « anti-parasitaire » a été utilisé.

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